Economie pour la Paix – Une urgence pour la France et le monde


Tribune CGT – Mouvement de la Paix, dans la NVO-Nouvelle Vie Ouvrière (magazine des militants de la CGT)

Martin Véronique, secrétaire confédérale de la CGT et Roland NIVET, co-secrétaire national du Mouvement de la Paix

L’actualité récente avec la guerre résultant de l’agression de la Russie contre l’Ukraine mais aussi la multiplication des conflits armés dans le monde qui poussent des populations sur le chemin de l’exil démontrent la nécessité de construire et développer une véritable culture et économie de paix.

La paix n’est pas seulement l’absence de guerre, elle repose aussi sur le principe de coopération entre les êtres humains avec comme objectif premier le bien commun de toutes et tous. Une coopération créatrice de droits sociaux pour les citoyens du monde entier, permettant d’éradiquer la concurrence entre les populations, s’opposant à la recherche effrénée du profit au bénéfice de quelques-uns et aussi à l’exploitation des êtres humains et de la planète. Cette coopération multidimensionnelle est une des conditions d’une véritable économie de la paix.

Les fractures se sont élargies

En effet, les logiques financières et spéculatives à l’œuvre depuis des décennies n’ont fait qu’accentuer la fracture entre les pauvres et les riches et la mainmise de la finance sur toutes les activités humaines. Elles ont entrainé une déstabilisation économique, sanitaire et environnementale du monde et une fragilisation d’Etats et de sociétés entières dangereuses pour la paix. Un pays ravagé par une épidémie subit d’énormes pertes de population et une désorganisation de la vie économique et sociale pouvant mettre en péril la gouvernance et les institutions du pays. Une société où la précarité, le chômage et la pauvreté explosent, où les jeunes se sentent exclus peut devenir le terreau de groupuscules politiques et criminels violents. Si on y ajoute la discrimination ethnique, religieuse ou géographique, nous sommes proches de l’explosion. De plus, la dépendance économique et financière de certains pays vis à vis de l’extraction et de l’exportation de produits à plus ou moins haute valeur ajoutée rajoute à ce cocktail la corruption et les tensions politiques pour le contrôle des ressources et la recherche de profits.

L’humanité dispose aujourd’hui des moyens et des capacités pour résoudre les problèmes du monde (conflits sans fin, prolifération des armes, y compris nucléaires, réchauffement climatique, malnutrition, misère et épidémies) et créer les conditions pour que chaque être humain puisse vivre en paix et en sécurité (physique, sociale, alimentaire, médicale et environnementale). 

Réorienter les budgets des Etats

Cela nécessite de réorienter les budgets des Etats pour endiguer la précarité, le réchauffement climatique et permettre aux citoyens du monde de vivre dignement. Il y a urgence à diminuer les dépenses militaires dans le monde et en France alors que celles-ci ne cessent d’augmenter. Les dépenses militaires mondiales représentaient en 2020, 1981 milliards de dollars soit une augmentation de 2,6% par rapport à 2019. (Source sipri). La France n’est pas en reste puisque la trajectoire de la loi de programmation militaire 2019-2025 est largement respectée par le gouvernement avec une nouvelle hausse de la ligne budgétaire de 4,3% en 2022 pour atteindre 41 milliards d’€ ce qui en fait le 2ème poste de dépense du budget de l’Etat (le 1er étant l’éducation). De plus, cette loi a programmé le doublement des moyens consacrés aux armes nucléaires alors que le Traité de Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP) dont est signataire la France prévoit leur élimination.

Si la construction de la paix et d’une sécurité humaine nécessite d’accroitre les moyens en faveur des objectifs sociaux et environnementaux, cela ne nous conduit pas à nier le besoin de moyens militaires pour assurer la sécurité et la défense du territoire qui font partie des missions de l’Etat. Il ne s’agit pas de faire disparaitre ces missions, ni nos industries de défense mais de leur redonner un sens dans le cadre de politiques en faveur de la paix s’inspirant de la Charte des nations Unies, de la résolution de l’Onu pour une culture de la paix, des Objectifs du Développement durable, des travaux du GIEC. Il convient pour celà de sortir la production et le commerce des armes du marché qui alimente les conflits et accroit l’insécurité du monde en contradiction avec la Charte des Nations unies  

Dans ce cadre, la mise en œuvre du TNP passe nécessairement par la signature et la ratification par la France du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), entré en vigueur le 22 janvier 2021. Les outils de production liés à la défense nationale doivent répondre aussi bien aux besoins sociaux et civils. Les technologies développées doivent être utiles à la production civile, les productions doivent être diversifiées voire reconverties vers un usage civil.

Améliorer le fonctionnement de l’ONU

Une économie de paix passe aussi par la refonte des institutions et la mise en place d’outils institutionnels nouveaux au plan national et international comme la mise en place d’une mission interministérielle pour la paix coordonnant l’action de nombreux ministères en ce domaine. Ainsi, le fonctionnement de l’Onu doit être amélioré pour retrouver sa place dans la prévention et la résolution des conflits et s’ouvrir aux syndicats, ONG et associations. Les alliances militaires telles que l’OTAN doivent être dissoutes. La France doit, dans un 1er temps, sortir de cette alliance.

Une économie pour la paix appelle aussi au développement d’une éducation à la culture de la paix dont l’objectif est d’assurer le droit à l’éducation pour toutes et tous. Cela passe par la révision des programmes d’enseignement afin de promouvoir les valeurs et objectifs définis par les 8 domaines d’action du programme pour une culture de la paix de l’Unesco.

La CGT et le Mouvement de la paix coopèrent depuis de nombreuses années pour porter nos revendications communes sur la paix. Nous sommes, dans le cadre du collectif national des marches pour la paix, à l’initiative de nombreuses mobilisations notamment lors de la journée internationale de la Paix en septembre, à travers l’écriture d’un livre blanc pour la Paix ou en appelant à signer la pétition pour la ratification du TIAN.

Dans le prolongement de ce travail commun, nous allons organiser à l’automne une journée d’étude sur « qu’est-ce qu’une économie pour la paix ? » pour laquelle nous allons faire appel à des experts, chercheurs sur le sujet. Une journée qui se veut ouverte aux militant-e-s de la CGT et du Mouvement de la Paix mais aussi à d’autres organisations syndicales et associations. Cette journée se déroulera à la bourse nationale du travail à Montreuil.

Le jeudi 14 avril 2022,

Martin Véronique, secrétaire confédérale de la CGT et Roland NIVET, co-secrétaire national du Mouvement de la Paix

 

 

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