Cent ans après l’attentat de Sarajevo considéré comme élément déclencheur de la 1ère Guerre mondiale en juin 1914, une rencontre internationale pour la paix s’est tenue dans cette même ville du 6 au 9 juin 2014. Une délégation de pacifistes français y participait (Le Mouvement de la Paix, AttAC, AmFPGn, Droit-solidarité…)
Contrairement aux coûteuses commémorations officielles organisées fin juin sous l’égide de l’Union Européenne, le « peace event » qui les a précédées a été l’œuvre de la société civile, mouvements sociaux, altermondialistes et pacifistes, notamment bosniaques, avec le concours de leurs homologues européens et des organisations internationales telles que le BIP (1), I’ALANA (2) ou encore l’Assemblée européenne des citoyens et ATTAC. Mais ce sont surtout les thématiques abordées qui font la différence. Alors que les responsables gouvernementaux se limitent à de beaux discours sur la paix tout en justifiant par avance le recours aux armes pour régler les confits, les militants de la société civile présents à Sarajevo avaient inscrit leurs débats sous le slogan : prévenir et abolir la guerre pour une culture de paix.
Plus de 2000 personnes se sont rencontrées, ont échangé leurs expériences, créé et renforcé leurs liens. Elles ont envisagé de futures actions avec la conviction partagée qu’il n’y a aucune alternative à la culture de paix pour en finir avec les nombreux confits, qui se sont encore multipliés durant tout cet été.
La démonstration quotidienne est faite que les interventions militaires se soldent toujours par des situations de chaos, de confits complexifiés, une insécurité généralisée et des victimes toujours plus nombreuses. L’intérêt de rencontres internationales, c’est de prendre la mesure de tout ce qui se construit de par le monde pour refuser la fatalité du recours à la guerre. C’est de puiser des forces pour en finir avec le militarisme et les armements. Les expériences de prévention des confits, la créativité de ceux qui œuvrent pour changer les mentalités, les arguments pour convaincre, autour de soi et dans la vie politique de son pays, voilà autant d’éléments mis en commun dans les ateliers et les table-rondes qui ont réuni les participants.
La spécificité et la valeur des rencontres internationales de militants engagés socialement, c’est ce sentiment d’appartenance à un mouvement planétaire qui dépasse l’horizon quotidien. Les séances consacrées aux actions et projets concrets sont complétées par des moments forts vécus ensemble lors de séances plénières où se sont exprimées de grandes personnalités comme Mairead Maguire, prix Nobel de la Paix, irlandaise, Federico Mayor qui, à la tête de l’UNESCO, a été le promoteur de la culture de la paix, ou encore un évêque sud-africain se réclamant de Mandela. Jeannick Leprêtre et Christine Rosemberg du Mouvement de la Paix sont intervenues dans des ateliers sur le rôle des femmes pour promouvoir la culture de paix dans les négociations et sur la problématique désarmement/développement. Avec Colin Archer du BIP, il a été envisagé, suite à un exposé de Roland Weyl, avocat, de lancer une campagne autour de l’article 26 de la Charte des Nations-Unies qui veut empêcher de détourner les ressources humaines vers les armements.
Par ailleurs, personne n’a oublié l’endroit où nous étions : Sarajevo, capitale de la Bosnie, ville assiégée pendant 1000 jours durant le confit croato-bosno-serbe des années 90.
Cette ville déchirée par les nationalismes destructeurs doit aujourd’hui encore reconstruire son identité plurielle. La culture de paix y a une valeur toute particulière et lors de contacts ou de conversations, chacun a pu mesurer combien était long le chemin pour retrouver la confiance après les épreuves de la violence et de la guerre. Si la ville semble agréable à vivre en ces jours ensoleillés de juin, avec son charme pittoresque, il reste de la rancœur et des cicatrices dans la tête des habitants.
Au peace event de Sarajevo, planait l’impression que le cœur et la raison étaient également sollicités. C’est décidément un lieu privilégié pour s’affirmer pacifiste !
Alain Rouy
1. Bureau international de la Paix
2. Association internationale des juristes contre l’arme nucléaire
Planète Paix n°594, septembre 2014