Congrès de saint Ouen 2005 – Pierre Villard

 

INTRODUCTION DE PIERRE VILLARD, co-président du Mouvement de la Paix

 

Chers amis,

Arielle Denis vient de pointer un certain nombre d’évènements et de conjonctures tant nationales qu’internationales dans lesquelles nous évoluons. Notre congrès est au cœur de ce contexte. Il ne se situe pas en dehors de cette société en mouvement.

Nous disons « Changeons le Monde – Cultivons la Paix ». Est-ce un simple slogan ou une ambition d’envergure politique ?

A quoi servons-nous ? A quoi va servir notre congrès ? Quels en sont les enjeux pour la société française et au-délà pour la planète entière ?

« Changer le monde !» Ambitieux diront certains ? Hors de notre portée dirons d’autres ? Il était temps renchérirons d’autres encore ? Ce congrès doit nous permettre d’évaluer où nous en sommes, de déterminer quels sont nos objectifs et de décider des campagnes à poursuivre, à stopper ou à mettre en œuvre. Il doit aussi nous permettre d’améliorer l’outil dont nous disposons pour faire tout cela, c’est à dire notre mouvement, ses comités, ses personnalités, ses salariés, sa presse …

L’architecture générale du congrès a été conçu pour à la fois permettre le bilan et se projeter dans l’avenir.

Nous commencerons ce matin par le rapport d’activité puis nous aborderons successivement en plénières et en ateliers des questions fondamentales regroupées sous de grands titres :

•  Les fondements de notre action

•  Les pratiques pacifistes

•  Quel mouvement pour l’action pacifiste ?

Nous aurons à allier réflexion théorique et propositions concrètes. L’un ne va pas sans l’autre. Nous aurons à réfléchir et décider des actes forts capables de peser sur la société française.

Une des premières chose sera de redéfinir notre raison d’être. Quelle influence avons-nous sur la société ? Quelle influence des pacifistes ? Ce sont des questions qui nous renvoient en fait à notre utilité sociale.

Le Mouvement de la Paix doit-il être un simple mouvement de protestation, de refus, de dénonciations ou le Mouvement de la Paix doit-il être porteur d’alternatives, de propositions ?

Si le Mouvement de la Paix devait se contenter d’être un mouvement de témoignages, un mouvement de coordination au moment des conflits alors, très sincèrement, nous ne servirions pas durablement à grand chose.

Notre vocation ne peut se résumer à rassembler la société contre la guerre, notre ambition c’est de rassembler la société pour empêcher les guerres, pour agir sur leurs causes et la résolution pacifique des conflits.

Notre première responsabilité aujourd’hui vis à vis du peuple iranien par exemple est de lui éviter un scénario à l’Irakienne, ce n’est pas de préparer les banderoles pour quand le conflit éclatera.

Donc oui, le Mouvement de la Paix veut changer la société et le monde.

Nous souhaitons le faire en nous affranchissant des anciens concepts véhiculé par la notion de changement de société. Le champ social en France est large et il y a de la place pour tout le monde.

Nous sommes une organisation qui agit dans le champ social, dans le domaine politique et nous entendons participer au vaste mouvement pour changer le monde car les peuples de la Planète crèvent de ce monde injuste et violent où la loi du plus fort est parallèle à la détention des armes et aux dépenses militaires.

Pour cela nous avons un programme qui s’appelle la Culture de Paix. Pour ceux qui n’en restent pas au slogan et qui creusent chacun des huit domaines d’actions proposés par l’ONU, ils verront que la Culture de Paix n’est pas un concept vide de sens mais un véritable programme.

Notre congrès doit servir à approfondir ce concept de Culture de Paix et à montrer en quoi il peut nous permettre de construire le monde sur d’autres bases que les dominations ancestrales.

Nous avons décidé à notre dernier congrès de faire de la Culture de la Paix l’élément central de notre activité et de notre utilité sociale. Est-ce pour autant un nouveau Mouvement de la Paix que nous voulons construire ?

Si construire un nouveau Mouvement de la Paix signifie faire table rase du passé et de sa fabuleuse histoire, alors non, nous ne faisons pas un nouveau Mouvement de la Paix. Notre action s’inscrit pleinement dans la suite des nos illustres prédécesseurs connus ou inconnus du grand public mais qui ont œoeuvré depuis 1948-49 pour construire un grand mouvement citoyen pour la Paix.

Si construire un nouveau Mouvement de la Paix signifie prendre appui sur l’expérience du passé et prendre en compte l’apport nouveau que constitue la Culture de Paix comme une véritable alternative aux cultures de guerres, alors oui nous construisons un nouveau Mouvement de la Paix.

Si le Mouvement de la Paix prend en compte l’ensemble des points constituants de la Culture de Paix, cela ne fait pas pour autant de nous des touches à tout. Le congrès devra aborder franchement cette question car elle interroge les comités. Comment la prise en compte des huit domaines d’actions de la Culture de Paix permet des convergences avec de nouveaux partenaires ? Comment cela permet-il de placer la construction de la Paix au cœur des changements du Monde ?

Au Mouvement de la Paix, nous ne disons pas que la Paix sera le résultat des changements du Monde. Nous disons que la promotion de la Culture de Paix est un des moteurs des changements du Monde.

Nous ne voulons pas changer le Monde pour construire la Paix, nous voulons promouvoir la Paix pour changer le Monde.

Trop de gens ne voient la Paix que comme un résultat et non comme un processus. N’est-ce pas ce qui explique les fortes mobilisations quand la menace des conflits est vive et la démobilisation une fois le danger écarté ou une fois le sentiment d’échec.

Nous avons à convaincre qu’en se mobilisant éternellement contre les guerres, nous sommes contraints à passer d’une guerre à l’autre. C’est l’engagement durable pour la Paix qui est de nature à empêcher durablement les guerres.

Pour cela nous vous proposons que le congrès discute et prenne des décisions rassembleuses allant dans le sens d’une forte interpellation de l’opinion publique avec un appel du congrès, la proposition de la création en France d’un Forum permanent pour la Paix et des propositions concrètes de campagnes.

Après trois jours d’échanges nous serons en mesure de lancer un appel à l’opinion. Cet appel pourrait partir de la situation actuelle pour éclairer sur les choix pacifistes et proposer le Forum pour la Paix.

Ce Forum dont nous discuterons samedi matin pourrait être un lieu permanent d’échanges et de rencontres entre les organisations françaises qui se retrouvent pour promouvoir la culture de Paix. Cela permettrait à nos partenaires d’avoir un espace permanent et ne pas nous retrouver, là encore qu’au moment des crises. Les associations, mouvements d’éducation populaire, les syndicats, les partis politiques pourraient trouver avec ce Forum pour la Paix un endroit mobilisateur pour approfondir leurs propres réflexions en dehors des moments de fortes tensions.

Il ne s’agit pas d’une nouvelle organisation mais d’une coordination permanente pour la Paix. Ce serait une belle manière d’œuvrer à la mise en place d’un mouvement national pour la Culture de Paix.

Si nous souhaitons aujourd’hui proposer dans notre pays à toutes les énergies de se rassembler pour la Paix comme l’ont fait nos amis italiens de la Tavola de la Pace ou nos amis belges de Coordination Nationale des Associations pour le Paix et le Désarmement, ce n’est pas pour nous détourner du Mouvement de la Paix. C’est au contraire pour donner à la Paix une dimension sociétale et à son action un statut d’utilité sociale comme nous l’avons écrit en ouverture de notre l’agenda 2006.

Parallèlement à la mise sur pied de ce forum nous avons à renforcer grandement le mouvement pacifiste en tant que tel et le Mouvement de la Paix pour ce qui nous concerne.

Franchement, sommes-nous assez nombreux aujourd’hui ? Y-a-t-il assez de comités locaux ? Y-a-t-il assez de correspondants locaux ? Avons-nous assez de moyens ?

Et bien non ! Si nous ambitionnons de participer aux changements du Monde, nous ne sommes pas assez de pacifistes organisés pour le faire et nous n’avons pas assez de moyens. Le renforcement du Mouvement de la Paix devra être une priorité de notre congrès. Il passe par davantage de personnes engagées dans notre Mouvement mais aussi davantage de capacités humaines et financières.

Vous savez que nous allons déménager du boulevard Victor Hugo pour emménager en juillet prochain dans des locaux neufs, toujours à St Ouen, beaucoup plus fonctionnels dans lesquels les salariés auront des conditions de travail bien meilleures. C’est un choix que nous avons fait pour disposer de locaux correspondants à nos besoins de développement. Nous vous proposons que le congrès lance une grande souscription pour le nouveau siège. Pour cela nous avons édité une maison qui va servir de support à cette campagne.

A partir de ce constat du besoin d’être plus en capacité d’agir et de rassembler, et en constatant que nos amis de l’Appel des Cent avaient des approches et des pratiques très proches des nôtres, nous avons proposé à nos partenaires les plus proches du mouvement pacifiste d’aller vers un rapprochement de nos deux organisations. Nous l’avons fait en prenant soin de respecter les histoires de chacun.

Après débats en leur au sein, nos amis de l’Appel des Cent ont décidé de participer à notre congrès et accepté que les collectifs locaux de l’Appel des Cent soient destinataires des mêmes informations que les comités du Mouvement de la Paix.

Aussi, nous nous réjouissons de la participation à ce congrès d’animateurs locaux et nationaux de l’Appel des Cent et nous leur souhaitons à la bienvenue. Nous leur disons qu’ils sont ici chez eux, à égalité de droits et nous proposerons qu’ils participent activement au conseil national et au bureau national du Mouvement de la Paix. Cette ouverture devra se retrouver au niveau de la coordination du nouveau bureau national élu à la fin de notre congrès.

Le renforcement du Mouvement de la Paix ne saurait se réduire au rapprochement avec l’Appel des Cent.

Nous souhaitons que ce rapprochement et le lancement du Forum pour la Paix soient un signal qu’il se passe quelque chose de neuf chez les pacifistes. Mais si nous nous en arrêtions là nous serions encore loin des besoins.

Dans ce nécessaire besoin de renforcement, je pense bien entendu aux jeunes mais là encore, cela ne peut suffire. Nous devons être en capacité de rassembler plus de gens issus des anciennes colonies françaises, plus de personnes en situation de précarité. Pour une fois, nous ne dirons pas plus de femmes car beaucoup de nos comités fonctionnent avec des équipes très féminisées mais nous avons quand même besoin de davantage de femmes.

Nous avons besoin d’ouvrir largement nos comités à des gens nouveaux sans préalable et sans préjugé. Nous accueillons à ce congrès des comités qui se sont créés depuis le congrès de Marseille.

Pour donner envie à toutes ces personnes d’investir de l’intelligence et des compétences dans le mouvement pacifiste, nous devons bien entendu être porteur de projets.

La Culture de Paix est d’autant plus de nature à rassembler qu’elle est réellement porteuse d’alternatives. Nous devons lui donner du sens et de la vigueur revendicative en lui donnant de la lisibilité.

Concernant notre campagne pour le désarmement nucléaire ou les dépenses militaires, le congrès devra lancer de nouveaux projets de nature à placer ces sujets au cœur des préoccupations de nos concitoyens.

Allons-nous accepter dans un an et demi que les campagnes électorales pour élire le président de la République et l’Assemblée Nationale se déroulent sans que les questions de défense et de sécurité qui engloutissent un cinquième du budget de l’Etat ne soient pas débattues sur la place publique.

Pour aider à ce débat, ne devrions-nous pas décider d’une grande journée de mobilisation décentralisée à l’automne prochain sur un certain nombre de sites, une journée citoyenne pour le désarmement nucléaire en partenariat avec tous ceux qui le souhaitent et en lançant un appel au soutien de personnalités notamment artistiques.

Pour faire vivre le débat et l’action, les délégués à Hiroshima et Nagasaki cet été ont lancé l’idée construire une grande chaîne pour le désarmement nucléaire matérialisée par le port d’un bracelet. Et bien c’est chose faite, le bracelet, le voilà !

Nous vous proposons que le congrès lance en grand cette chaîne humaine pour la Paix en s’adressant très largement à l’opinion publique et notamment aux jeunes et en le faisant parrainer par des personnalités. Nos grands témoins qui se succèderont à cette tribune après Arielle et moi pourraient – s’ils en étaient d’accord – être les premiers parrains de cette chaîne humaine pour le désarmement.

Dans le même esprit le projet « une main pour la Paix » pourrait être proposé à tous les établissements scolaires, maisons de quartiers, comités d’entreprises. Le principe, proposé par notre ami Julien Colomba de St Denis est simple. Apposer ses mains sur du tissus et les mélanger à celles des autres, connus ou inconnus pour former une immense fresque pour la Paix . Ce projet que nos amis de Manosque ont lancé le 21 septembre dernier en écho aux 80 mètres déposés cet été aux musées de la Paix d’Hiroshima et Nagasaki par les messagers de la Paix pourrait devenir un projet international avec l’objectif de rejoindre d’ici quelques années les villes d’Hiroshima et de Nagasaki. Cela fait 500 km, alors à vos peintures, il n’y a plus de temps à perdre.

Il est des tas de domaines où notre congrès devra faire des propositions (FSM de Bamako, – Proche Orient, – Salon des armes……). Ce sera la responsabilité des ateliers qui devront permettre l’enrichissement collectif du projet de la résolution que nous adopterons dimanche matin.

Une dernière proposition cependant concerne la situation en Irak. Nos amis pacifistes américains nous ont présenté il y a quelques temps un ancien marine américain devenu militant des vétérans contre la guerre. Celui-ci a écrit un livre pour témoigner de l’horreur de la guerre et dénoncer les méthodes de l’armée américaine. Ce livre n’a pu être publié aux Etats-Unis. Il l’est en France grâce à la traduction de Natasha Saunier, correspondante du journal l’Humanité à New -York. Nous vous proposons donc que le congrès décide de l’inviter pour une tournée de débat en France en mars prochain avec une femme irakienne.

Chers amis, vous le voyez nous avons du pain sur la planche. Deux jours et demi ne seront pas de trop pour en débattre, décider et faire franchir à notre mouvement une étape décisive dans sa capacité à rassembler largement et à peser sur les choix pour changer le Monde en Cultivant la Paix.

 

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