Paris, le 20 décembre 2024
Mesdames et messieurs les parlementaires,
La Coordination Nationale Solidarité Kurdistan, comme toutes les forces démocratiques, se réjouit de la chute de Bachar Al-Assad. L’effondrement de ce régime est la conséquence conjuguée de sa décomposition interne à la suite du soulèvement du peuple syrien, dès 2011, mais aussi des répliques des événements du 7 octobre.
Cependant, l’enthousiasme actuel ne saurait taire les menaces qui pèsent tout à la fois sur la Syrie et la région. Les risques de fragmentations miliciennes s’ajoutent au fait que les nouveaux maîtres du pouvoir, à savoir les factions qui composent Hayat Tahrir al-Sham, ne sont pas débarrassées de leur identité djihadiste. D’innombrables dangers pèsent sur les minorités, sur les droits des femmes, tandis que les ingérences étrangères se traduisent par une extension de l’occupation du Golan mais aussi par une brutale agression de la Turquie et de ses supplétifs contre les Kurdes.
La guerre est loin d’être terminée. R.T. Erdogan poursuit avec les djihadistes de l’Armée Nationale Syrienne (ANS) ses objectifs anciens de chasser les Kurdes, d’anéantir l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie et d’annexer une partie des territoires frontaliers pour les convertir en « djihadistans ». Après Afrin en 2018, une ingénierie démographique est à l’œuvre avec ses nettoyages ethniques, ses pillages et ses violences notamment contre les femmes.
Les actions de la coalition internationale, au sein de laquelle les Kurdes ont joué un rôle de premier plan, sont réduites à néant puisque ces forces barbares se réimplantent tandis qu’Ankara s’emploie à leur conférer désormais une légitimité internationale.
Kobané, symbole de la lutte contre l’Etat Islamique est, dans les jours qui viennent sous risque de tomber, entre les mains des djihadistes et supplétifs pro-turcs, avec l’aide de la Turquie. Alors que l’État Islamique se reconstitue en Irak et en Syrie, milliers les djihadistes incarcérés dans des camps contrôlés par les Kurdes trépignent d’impatience de reprendre du service.
Si cette hypothèse devenait réalité, notre pays serait de nouveau sous le coup de menace d’attentats terroristes. Dans ce contexte, la France et les pays de l’Union Européenne doivent prendre des initiatives en protégeant et en s’appuyant sur les Kurdes dont l’expérience peut constituer un point d’appui pour une démocratisation de la Syrie.
Tout doit être mis en œuvre pour exiger la fin de l’ingérence de la Turquie et le retrait des troupes d’occupation. Une transition pacifique ne pourra se faire que dans un cadre inclusif c’est-à-dire en imposant à la table des négociations la présence des Kurdes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Enfin, défendre Kobané, qui constitue l’incarnation de la lutte contre l’obscurantisme, est d’une urgence impérieuse et doit être une priorité politique tant pour les élues de la représentation nationale que des dirigeants de notre pays.
Nous comptons vivement sur votre intervention auprès du gouvernement français pour agir rapidement dans ce sens. Nous sommes à votre disposition pour tout échange que vous jugerez utile.
Annick SAMOUELIAN Pascal TORRE
Co-présidente CNSK Co-président CNSK
Amis du Peuple Kurde en Alsace – Amitiés Kurdes de Bretagne – Amitiés Kurdes de Lyon Rhône Alpes – Amitiés Kurdes de Vendée – Association Iséroise des Amis des Kurdes – Association France Kurdistan – Conseil Démocratique Kurde en France – Ensemble – Mouvement Jeunes Communistes de France – Mouvement de la Paix – Mouvement des Femmes Kurdes en France – Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié́ entre les Peuples – Nouveau Parti Anticapitaliste – Parti Communiste Français – Union Communiste Libertaire – Union Syndicale Solidaires – Solidarité et Liberté Provence
Voir cette lettre ouverte en PDF
l’avenir de ce que sera la Syrie après la chute du régime de Assad implique la prise en compte des Kurdes avec des démarches pacifiques.
Les Kurdes sont utilisés, avec succès depuis 2011, pour miner l’unité fragile de la Syrie. Alors que l’autonomie (et l’exclusivité du pétrole) a été concédée au Kurdistan irakien, en une étape du démantèlement de l’état ex-baasiste. Plus ou moins réprimés en Iran, violemment ciblés en Turquie, les Kurdes bénéficient du soutien intermittent des USA quand ils n’interfèrent pas trop avec les “militants démocrates” issus d’Al Qaeda, et selon les aléas des relations Washington -Ankara. L’expansion du secteur kurde en Syrie, au gré de déplacements de populations pendant la guerre, était en fait favorisé par Damas. Un nouvel équilibre sera-t-il possible dans les prochaines années ? Ou l’empire aura-t-il besoin d’entretenir le chaos, qui justifie officiellement une présence militaire occidentale ? Comme le précise cette lettre, la sérénité chez nous dépend aussi de cette délicate alternative, avant même de concrétiser l’éventuelle légitimité d’un Kurdistan rêvé.