Ukraine : LETTRE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

A Paris, le lundi 28 février 2022

Monsieur le Président de la République,

Le Mouvement de la Paix condamne l’invasion de l’Ukraine par la Russie, demande le retrait des forces russes d’Ukraine, un cessez-le-feu immédiat et des initiatives diplomatiques et politiques fortes pour une solution politique et diplomatique négociée.

A partir de ces considérants le Mouvement de la Paix regrette votre déclaration selon laquelle « la guerre va durer », qui semble indiquer que vous ne croyez plus aux efforts nécessaires pour faire taire les armes et aboutir à une solution négociée au conflit en cours en Ukraine.

Pour notre part, nous préférons nous ranger sur le point de vue exprimé dans les médias par de nombreux diplomates, militaires et experts des relations internationales qui soulignent l’urgence de formuler des propositions diplomatiques et politiques ambitieuses pour trouver une issue négociée au conflit.

Après avoir apprécié le fait que vous ayez essayé de maintenir des canaux de discussion avec les principaux acteurs du conflit, nous ne comprendrions pas que vous puissiez renoncer à utiliser l’ensemble des outils multilatéraux tels que l’ONU et en Europe l’OSCE, ou encore abandonner définitivement les accords de Minsk qui fournissent le cadre d’une solution politique et diplomatique. Nous pensons enfin que vos responsabilités en tant que président du Conseil de l’Union européenne augmentent d’autant plus vos possibilités d’intervenir au plan international pour une solution politique négociée.

Nous savons que la guerre, entreprise de mort et de destruction, n’apportera aucune solution aux problèmes posés. Il est donc urgent d’agir pour arrêter les combats, obtenir un cessez-le-feu et l’arrêt de l’agression russe. Dans le même temps, il faut agir pour que tous les protagonistes reprennent le chemin de la diplomatie en vue d’un règlement négocié.

Le Mouvement de la Paix demande instamment que la France soit porteuse d’une proposition de paix pouvant s’articuler ainsi :

  • D’abord obtenir un cessez-le-feu et l’arrêt de l’agression russe.
  • Mettre en œuvre l’accord de Minsk 2 de 2015 qui repose sur un cessez-le-feu durable, sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité de l’Ukraine et sur une solution d’autonomie pour les territoires des républiques auto-proclamées du Donbass.
  • Pour que cette option multilatérale, alors validée par l’ONU et l’OSCE, par la Russie et l’Ukraine notamment, puisse s’imposer et contribuer à une solution politique globale, il est nécessaire que l’Ukraine obtienne un statut de sécurité collective, d’indépendance et de neutralité qui soit lui-même garanti par l’ONU et en particulier par le Conseil de sécurité des Nations Unies.
  • Une solution de ce type constituerait encore un pas positif dans un processus de négociations qui doit désormais s’inscrire dans le cadre de l’ONU, dans le respect des buts et des principes de sa Charte.
  • L’arrêt des livraisons d’armes dans le respect du Traité sur le commerce des armes ratifié le 24 décembre 2014, interdisant de vendre des armes aux pays en guerre.

Une solution politique et diplomatique implique le retour à la conception de sécurité commune qui avait présidé à l’Acte final d’Helsinki en 1975 et à l’adoption de la Charte de Paris en novembre 1990. Dans cet esprit, il ne faut plus oublier les engagements pris par les pays occidentaux en 1990 de ne pas élargir l’OTAN à l’est. Si nous dénonçons avec force les responsabilités de la Russie qui viole le droit international et entend imposer ses solutions par la force en envahissant l’Ukraine, cela ne nous empêche pas de souligner, comme l’ont fait le diplomate américain Georges Kennan [1] ou l’ancien ministre des affaires étrangères français Hubert Védrine, ainsi que des responsables d’instituts de recherche sur les questions internationales comme l’Iris ; l’absence de véritable dialogue avec la Russie sur les questions de sa propre sécurité ressentie comme menacée par l’extension de l’OTAN.

Monsieur le Président de la République, il est encore possible de rompre l’engrenage fatal de la guerre. Les nombreuses manifestations à travers le monde aussi bien en France que partout en Europe et aux États-Unis mais également en Russie à Saint-Pétersbourg et Moscou, montrent que les opinions publiques se mobilisent en faveur d’une solution politique et diplomatique.

Voilà pourquoi nous vous demandons de ne pas renoncer à la voie de recherche d’une solution diplomatique. La France doit être porteuse d’une offre de paix dans l’intérêt des peuples d’Europe et du monde entier et tout d’abord du peuple d’Ukraine.

Une telle attitude de la France témoignerait d’un véritable courage et fournirait l’occasion de sortir des logiques de puissance et de domination pour revenir à la construction de la paix dans le cadre multilatéral créé par la Charte des Nations Unies, mais aussi par les résolutions des Nations Unies sur la culture de la paix et les objectifs de développement durable.

Dans la logique de ce qui précède, le Mouvement de la Paix réaffirme avec insistance la nécessité d’une réduction des dépenses d’armement, de l’élimination des armes de destruction massive et de la mise en œuvre du Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN). En effet accumuler encore plus d’armes, élargir l’Otan ; maintenir et moderniser l’arme atomique, c’est la voie de l’insécurité pour les Ukrainiens comme pour tous les peuples, c’est une dérive suicidaire qu’il faut stopper.

Il appelle la France à prendre les initiatives nécessaires pour réunir l’ensemble des pays européens et entamer la négociation d’un traité de paix et de sécurité commune en Europe, dans l’esprit de l’Acte final de la Conférence d’Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe. La France œuvrerait ainsi pour une Europe de paix et de coopération, pour un système de sécurité mutuelle en Europe, incluant le retrait de la France de l’OTAN et à terme, la dissolution de l’OTAN, tout en replaçant les Nations Unies au cœur de la construction d’un monde apaisé.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à nos propositions, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments républicains.

Roland NIVET, Secrétaire national et porte-parole national du Mouvement de la Paix

Alain Rouy, Secrétaire national chargé des relations internationales

 

[1] Revue Foreign Affairs, mai 1998

George Kennan, diplomate américain qui avait développé le concept d’endiguement en 1947 s’exprime sur le sujet en 1997 (50 ans plus tard) :

« […] L’élargissement de l’OTAN vers l’Est peut devenir l’erreur la plus fatale de la politique américaine depuis la guerre, car cet élargissement n’est en rien justifié… Cette décision de l’Occident va porter un préjudice au développement de la démocratie russe, en rétablissant l’atmosphère de la guerre froide… Les Russes n’auront d’autre choix que d’interpréter l’expansion de l’OTAN comme une action militaire, ils iront chercher ailleurs des garanties pour leur sécurité et leur avenir » […].
Puis, il persiste en mai 1998 dans ForeignAffairs : « […] C’est une erreur tragique. Personne n’était menacé. Cette extension de l’OTAN va entraîner une réaction hostile de la part de la Russie est alors ceux qui ont décidé de l’extension vous diront qu’ils vous avaient bien dit que les Russes étaient ainsi […] ».

Deux citations extraites du livre de Pascal Boniface directeur de l’Iris “Etats-Unis/Europe : partenaires ou vassaux ?”.

 

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6 pensees sur “Ukraine : LETTRE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

  1. 2022 sur la Terre et rien n’a changé. merci pour l’engagement du Mouvement pour la Paix. ne rien lâcher pour une planète et ses habitants quels qu’ils soient. restons dans la négociation, stop à cette guerre et à toutes les guerres.

  2. Je me suis battue avec vous pendant longtemps très longtemps ce qui nous a séparé c’est votre désaccord avec moi et d’autres sur les centrales nucléaires. Il faut reconnaître qu’en cas de guerre elles sont également dangereuses. Ceci dit mon candidat JLMelenchon à la présidentielle est tout à fait conscient et d’accord avec vos propositions j’en suis sûr. Pesez avec lui pour ces négociations !

  3. Je partage entièrement la position du Mouvement de la Paix dans ce conflit en Ukraine . Solidairement , Thérèse Bassez Grenoble

  4. Totalement d’accord avec vous.
    Nous devons sortir de cet engrenage des conflits et rechercher des solutions politiques et diplomatiques assurant la sécurité de chaque nation.
    La guerre est une monstruosité. Choisir de s’engager dans la paix demande du courage, de la force et beaucoup de persévérance.

  5. Bonjour, Comme écrit dans un précédent commentaire, Jean Luc Mélanchon, mon choix de vote depuis longtemps, partage la vision que vous portez, et que porte le Mouvement de la Paix. Je vais donc m’inscrire comme adhérent, et suivre votre conférence ce soir. J’ai été voilà bien longtemps réfractaire au service militaire et j’ai refusé l’offre que l’on m’a faite;, après les tests d’évaluation, de formation aux EOR,( Ecole d’Officier de Réserve) alors que je passais mes trois jours obligatoires de sélection militaire à Tarascon, en 1973… La situation en Ukraine est très délicate, faut-il aider l’Ukraine en envoyant des armes offensives ou même défensives, ou bien n’en rien faire et laisser les rêtres de Poutine massacrer et torturer les civils comme les militaires ukrainiens, qui se vengent parfois en usant des mêmes méthodes. Ce sera certainement votre sujet de ce soir, C’est une longue et patiente éducation au respect de l’autre et à la non violence qui peut à long terme produire des effets positifs. La violence est tellement ancrée dans nos esprits et utilisée depuis tant de siècles pour parvenir à dominer et asservir nos voisins; Certains résistent à ce funeste penchant. Nous en sommes.
    Je suis président d’une association de protection de la nature: L’iris sauvage, qui adhère à FNE Hauts de France. L’essentiel de mon temps libre est occupé par le souci de la dégradation de notre environnement et des conditions de la vie sur notre chère Terre. Bon courage, je soutiens votre position. A ce soir.

  6. Avant « l’opération spéciale militaire » russe ( = l”invasion de l’Ukraine), le seul moyen qui restait aux diplomates américains pour bloquer les achats européens de gaz et pétrole russes était d’inciter la Russie à une riposte militaire, puis de prétendre que se venger de cette riposte l’emportait sur tout intérêt économique purement national. Comme l’a expliqué la sous-secrétaire d’État aux affaires politiques, Victoria Nuland, lors d’un point de presse du département d’État le 27 janvier dernier : “Si la Russie envahit l’Ukraine, d’une manière ou d’une autre, le Nord Stream 2 n’avancera pas”.
    Le problème était juste de créer un incident suffisamment offensif et de dépeindre la Russie comme l’agresseur.
    Ce qui a été fait. La fourniture massive d’armes à Kiyv entretient le conflit – fût-ce sans espoir de gagner la guerre, ni même d’étouffer la Russie – dans la perspective de supprimer tout commerce UE-Russie.
    Dans ce contexte, appeler nos responsables à la paix est beau, mais un peu vain.

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