Monsieur le Président de la République,
Le Mouvement de la Paix est attaché, conformément à la Charte des Nations unies, aux principes de prévention des conflits par l’exercice de la justice, du droit et de la démocratie, conditions essentielles à la construction d’un monde de paix.
Nous tenons à vous faire part de nos vives inquiétudes concernant l’intervention militaire, prévue semble-t-il de longue date, que vous avez diligentée au Mali et qui a débutée le 11 janvier dernier.
En effet, le manque de politiques préventives véritables a conduit à l’intervention militaire que l’on sait. Nous gardons l’opinion que cette guerre aurait dû être évitée tout en comprenant que les Maliens, sans autres choix, acculés face à la menace et aux exactions des islamistes aient soutenu la sollicitation de leurs dirigeants de faire appel à l’armée française.
La guerre ne saurait être pour les pacifistes une réponse acceptable quelles qu’en soient les raisons [1] car elle n’est pas un moyen de faire de la « politique ». Nous souscrivons à la formule de Jean-Marie Muller : « Ainsi, tout laisse penser que la guerre, décidément, n’est pas la solution, mais qu’elle est le problème » [2]. En effet, rajouter de la guerre à des violences perpétrées par des groupes armés, qui certes ont été refrénés, ne permettra pas de résoudre durablement les problèmes, ni au Mali, ni ailleurs. Les récents conflits (Irak, Afghanistan, Libye) montrent qu’elle ne fait qu’accroître la barbarie humaine et les violences, que loin de répondre à la « responsabilité de protéger » elle met en danger la population malienne durablement avec l’usage d’armes à uranium appauvri.
La guerre actuelle qui est conduite dans cet espace est d’abord un échec des politiques menées par les acteurs étatiques dont la France (l’inégalité de développement entre le Nord et le Sud du Mali, la question Touareg, le développement des trafics d’armes et de drogues, l’exploitation des richesses du « Grand Sahel », la politique d’ajustement structurel du FMI, la corruption et la déliquescence des institutions étatiques). La France, engagée dans l’OTAN, a participé au renforcement des talibans en Afghanistan et a contribué à la déstabilisation de la Libye. Aujourd’hui, après le pillage de ses ressources, il s’y généralise des exactions, les ventes d’armes ouvrant les arsenaux aux rebelles qui approvisionnent les factions aujourd’hui qualifiées de « terroristes » en armes.
La crise, l’austérité, la guerre et son commerce sont des liaisons très dangereuses pour la paix dont il est urgent de s’affranchir. Il est temps d’en finir avec le culte de la force et de la domination voué à l’échec et de s’ouvrir aux alternatives d’une civilisation de paix.
La seule lutte qui vaille d’être menée aujourd’hui pour éradiquer le terrorisme est la lutte contre la misère afin que chacun vive dignement et pour la participation démocratique des peuples à leur destinée. C’est possible ! L’Onu indique que 20% des dépenses annuelles d’armement (1740 milliards de dollars en 2011) suffiraient à financer tous ses programmes de développement. Ainsi, le coût des guerres d’Afghanistan, de Libye, du Mali, injecté dans des programmes de développement équitables et durables auraient anticipé les désordres et permis aux populations concernées de se structurer et de cheminer vers des destins choisis.
Aussi, nous vous demandons devant l’urgence à circonscrire les violences des armes dont est victime le peuple malien, de prendre des mesures politiques fortes pour sortir de l’impasse militaire :
– Privilégier les décisions multilatérales onusiennes de prévention et de sortie de crise au Mali pour assurer la protection des populations grâce à des forces de paix et rétablir au plus vite le dialogue entre toutes les composantes du pays
– Agir pour que les auteurs de crimes et d’exactions soient passibles du tribunal de la Haye
– Diligenter des enquêtes par la France et l’ONU pour que toute la lumière soit faite sur les financements des groupes armés djihadistes et réexaminer les relations avec les pays financeurs tels que le Qatar et l’Arabie Saoudite
– Prendre la décision d’interdire l’usage d’armes à uranium appauvri dont la dangerosité porte atteinte aux populations civiles
– Fermer le plus grand salon mondial de l’armement d’Eurosatory et participer activement à la dynamique pour la signature du traité sur le commerce des armes (90% des armes en Afrique sont importées)
– Prendre la décision de fermer les bases militaires françaises à l’étranger et d’établir des relations de coopération équitables avec les pays concernés pour rétablir leur pleine souveraineté dans la communauté internationale
– Participer activement aux processus et traités internationaux de l’ONU concernant la démilitarisation des relations internationales au profit d’un développement durable pour vaincre la pauvreté
– Répondre aux besoins sociaux et de coopération en décidant d’abandonner les programmes de nouveaux armements prévus dans le livre blanc de la Défense.
– Prendre des mesures pour mettre en œuvre dans tous vos ministères les directives d’une culture de la paix et de la non-violence de l’Unesco pour apprendre à vivre ensemble dans la dignité, le respect et la fraternité sur une même planète. Là sera notre sécurité commune.
Nous sollicitons de votre haute bienveillance une audience auprès du Ministère des Affaires étrangères afin de connaître la position du gouvernement français sur ces mesures ainsi que sur les alternatives à l’engagement de nos forces armées sur le territoire malien.
Dans cette attente, soyez assuré de notre entier dévouement à la paix et de notre solidarité avec le peuple malien.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.
Pour la coordination exécutive du Mouvement de la Paix
Régine Minetti, Coprésidente
[1] « On commence à fabriquer des armes pour se défendre. Puis on vend des armes pour pouvoir continuer à en fabriquer. On en arrive à fabriquer des guerres pour continuer à vendre des armes » Don Helder Camara
Saint-Ouen, le 22 février 2013
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