Militant et responsable national du Mouvement de la paix décédé en sa 89ème année
Le mouvement de la paix présente condoléances à ses enfants, sa famille et tous ses proches. Au revoir Alban !
Que ce soit en France ou en Algérie, les militants pour la paix et l’amitié entre les peuples sont tristes après le décès d’Alban en sa 89ème année, mais déterminés à faire vivre sa pensée et son témoignage de soldat qui a refusé de faire la guerre au peuple algérien.
« Le vrai miroir de nos discours est le cours de nos vies » Cette formule dense et incisive du philosophe Michel De Montaigne (16 ième siècle), s’applique à la vie d’Alban Liechti, une vie marquée par un engagement indéfectible dans la lutte quotidienne pour un monde de justice, de paix et d’amitié entre tous les peuples du monde. En ces temps difficiles caractérisés par l’extension du domaine de la guerre, Alban nous a montré que c’est à travers nos actes et non seulement dans nos paroles, que notre pensée se reflète véritablement. Les paroles s’envolent, les actions perdurent.
En juillet 1956, le jeune Alban Liechti (21 ans) reçoit son ordre de mission pour être envoyé en Algérie et « participer aux opérations du maintien de l’ordre ». Ayant contribué à la mobilisation contre la guerre d’Indochine et pour la libération d’Henri Martin, Alban ne voulait absolument pas prendre part à cette nouvelle guerre coloniale. Après discussion avec ses camarades et sa famille, il décide d’écrire au président de la République pour lui signifier son refus.
Dans sa lettre du 2 juillet 1956 il écrit au président de la République française : « dans cette guerre, ce sont les Algériens qui défendent leurs femmes leurs enfants leur patrie ce sont les Algériens qui combattent pour la paix et la justice. C’est l’amitié entre français et algériens que je veux défendre, c’est aussi la constitution française que je respecte puisqu’il est dit dans son préambule : « la République française n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’un peuple ». Il termine sa lettre en indiquant « en refusant participer à cette guerre injuste j’entends contribuer à préserver la possibilité de rapports librement consentis basés sur les intérêts réciproques et le respect des droits de nos deux peuples et ainsi rapprocher le moment où la guerre fera enfin place à la négociation »
Emprisonné dès son arrivée en Algérie, il est convoqué devant le Tribunal militaire et condamné à deux ans de prison pour refus d’obéissance, le 19 novembre 1956. Alban fera au total 4 ans de prison auxquels s’ajouteront 2 années de service militaire, soit 6 ans durant lesquels il refusera toujours de mettre une balle dans son fusil, malgré les pressions, la prison et les brimades. Respect !!
Alban fut membre du Mouvement de la Paix jusqu’à ses derniers jours tant au plan local qu’en y exerçant des responsabilités nationales au sein du conseil national du Mouvement de la Paix.. Durant toute sa vie on le retrouva dans les luttes pour la paix et pour un monde sans armes nucléaires. En 1995 il participe aux cotés de Monseigneur Gaillot, René Vautier, Simone De Bollardière et des militants pacifistes venant du Japon, d’Allemagne, de grande Bretagne à la grande manifestation de 20 000 personnes organisée par le Mouvement de la Paix le 15 octobre 1995 devant la base des sous-marins de l’Ile longue « pour l’arrêt des essais nucléaires et un monde sans armes nucléaires ». il participa à de nombreuses délégation du Mouvement de la paix au plan international y compris auprès des Nations Unies pour exiger la mise en œuvre du désarmement nucléaire et le respect de la Charte des Nations unies.
Tous les militants du Mouvement de la paix sont attristés par la disparition d’Alban qui fut jusqu’à la fin de sa vie un militant du Mouvement de la Paix comme il le fut aussi du Parti communiste et de Acca (agir contre le colonialisme), car pour lui « le combat pour la paix et pour un monde meilleur est indissociable de la lutte contre « le pouvoir de l’argent pour l’argent » et contre toutes les formes d’oppression et donc contre tous les colonialismes ». Dans les années 2000 il s’est engagé en faveur de la cause des soldats israéliens refuznicks indiquant dans son livre Le refus que « leur attitude, leur conviction de défendre leur dignité et l’honneur de leur pays ; leurs déclarations précisant qu’ils ne refusent pas d’effectuer leur service militaire mais n’acceptent pas de le faire dans les territoires occupés relèvent d’un choix de conscience vis-à-vis du peuple palestinien, comparable à celui des soldats français du refus face à la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Ces actes de résistance comme le furent les nôtres sont en à mon avis porteur d’espérance pour l’avenir ».
Nos partenaires algériens nous ont fait part de leur peine. L’association lFarwa fatma N’Soumeur nous a demandé de souligner combien les actes d’Alban Liechti, de Henri Alleg, de René Vautier et d’autres militants du Mouvement de la paix et d’autres organisations ont permis de faire vivre jusqu’à aujourd’hui l’amitié entre le peuple algérien et le peuple français.
Son engagement et ses réflexions sont plus que jamais d’actualité. A l’avant dernière page de son livre « le refus », il indique que « la prévention des guerres et leur résolution au niveau mondial constitue l’un des enjeux du siècle. Régler chaque conflit en germe, par la réflexion et la discussion, au plus haut niveau est la fonction qui fut et qui reste dévolue à l’ONU. Les peuples ont besoin que cette fonction soit respectée, adaptée si besoin et tienne compte des transformations ou de la naissance de nouveaux pays dans le monde »
A la fin de son livre il indique « Quand j’étais à la prison de Carcassonne, dans l’isolement complet sur l’un des cahiers j’avais écrit ces mots qui nourrissent mon espérance « VIVE LA PAIX, LE BONHEUR ET LA LIBERTE ». En pensant aux nouvelles générations je dirais aujourd’hui en terminant ce livre et pour prolonger cette espérance d’avenir : « ne désespérez jamais. Si tous les gars et les filles du monde veulent se donner la main pour construire un monde à la hauteur de leurs rêves la vie sera pour toute l’humanité la plus belle des aventures »
Au revoir Alban. Sincères condoléances à ses enfants, ses petits-enfants, à sa famille, à ses proches. Que vive sa pensée dont il nous a légué une part à travers son livre Le Refus et qu’elle nous conforte dans nos engagements actuels, à quelques jours de la journée internationale de la paix dans notre refus obstiné, de la guerre, de toutes les violences et de la misère car ces refus ouvrent la voie vers un monde meilleur.
Le Mouvement de la Paix le 3 septembre 2024