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Luttes sociales/ luttes pour la paix : nouveau contexte, nouvelles convergences.

 

” Les travailleurs doivent combattre au besoin par tous les moyens en leur pouvoir (la conduite diplomatique de leurs gouvernements respectifs), et enfin lorsqu’ils seraient impuissants à rien empêcher, s’entendre pour une prostestation commune et revendiquer les simples lois de la morale et de la justice, qui devraient gouverner les rapports entre individus comme lois suprêmes dans le commerce des nations ; combattre pour une poltique étrangère de cette nature, c’est prendre part à la lutte générale pour l’affranchissement des travailleurs. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous. ” Karl Marx . Adresse inaugurale à l’Association Internationale des Travailleurs

Le combat pour l’élaboration de la paix, au cours de l’histoire humaine apparaît constitutif des luttes pour le progrès social. Depuis la fin du XIXeme siècle, il s’est structuré en organisations spécifiques mais les champs qu’il recouvre, les exigences qu’il formule aux sociétés, participe de l’ensemble du progrès humain. Qu’en est-il à l’ère de la mondialisation ?
Si la vieille antienne sur ” les guerres justes ” et les liens entre violence et progrès social devraient à juste titre susciter de nouvelles réévaluations, c’est sans aucun doute dans le sens de ce que disait Marx concluant l’Adresse inaugurale de l’Association Internationale desTravailleurs (1ère internationale) sur le thème de la mobilisation contre la guerre que penche le débat à l’aube d ce XXIème siècle. L’objet de cette petite étude sera de tenter d’approcher les lieux de mobilisations où se recoupent les champs des luttes du mouvement social et ceux des combats pour la paix au regard du nouveau contexte.

Il est traditionnel d’assigner comme objectif aux pacifistes de se mobiliser contre les guerres. Le monde de la Guerre froide a ainsi connu deux terrains privilégiés de mobilisation ” pour la paix “, le premier étant celui de la lutte pour le désarmement nucléaire ( contre la guerre entre les deux Grands), le second, la mobilisation en faveur du ” Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes “, (contre les guerres coloniales ou néo-coloniales).

La fin de la guerre froide et le contexte nouveau dans lequel nous sommes entrés a vu se modifier radicalement la typologie des conflits armés, mais aussi la conception de la sécurité.

La réflexion sur l’élaboration de la paix partout et pour tous doit s’inscrire dans ce contexte nouveau, que l’on pourrait shématiquement caractériser par la double dynamique de l’expansion planétaire du néo-libéralisme et du processus par lequel le monde est en train de devenir une société globale.

A mesure que sous l’effet de ces bouleversements, l’ingérence et l’interdépendance des économies, des Etats et des peuples deviennent la règle, que s’estompent les frontières entre ” intérieur ” et ” extérieur “, que se multiplient les échanges de toutes sortes, la nécessité d’élaborer de nouvelles règles de vie commune se pose partout, portée par tous les acteurs de la mondialisation, privés ou publics. Quelles valeurs, quels principes, quelles architectures saurons-nous inventer pour réguler ces nouveaux territoires d’échanges vers un monde plus juste et plus humain?

C’est ainsi, en terme de choix de civilisation, que se pose aujourd’hui la question de la paix, de façon globale, holistique pour tenter d’élaborer les stratégies qui aboutiront à la prévention de toutes les formes de violences coercitives du local au global. Condamnés à vivre ensemble sur l’espace toujours plus réduit de notre planète, laisserons-nous la barbarie de la loi du plus fort imposer chaos et destruction, laisser-faire et laisser-mourir, ou trouverons-nous les formes et les forces pour répondre à ce défi que formule ainsi Edgard Morin : ” Civiliser la terre, transformer l’espèce humaine en humanité devient l’objectif fondamental de toute politique aspirant non seulement à un progrès mais à la survie de l’humanité “
Ainsi, 10 ans après la fin de la guerre froide, la recherche de la construction de la paix se doit d’intégrer la dimension globale des défis qui lui sont lancés. Plus seulement ” lutte contre la guerre “, elle demande à travailler la construction d’une nouvelle culture des rapports inter-personnels et inter-nationaux -une ” culture de la paix “-. L’élaboration des stratégies de paix interpelle la société monde en train de se constituer, dans toutes ses dimensions. Les convergences avec les luttes menées pour les droits humains ou sociaux et pour le mieux-être des individus et des peuples sont multiples, avec au cœur de cette dynamique l’accession de chacun à la pleine jouissance de sa participation au débat sur les fins et les moyens du vivre ensemble, comme lieu d’organisation politique de la paix.

 

Quelle sécurité ?

De nombreux facteurs déterminent la notion -toujours relative- de la sécurité. Tandis que se réduisent le nombre de conflits armés entre nations, fondés sur des conquêtes territoriales, les conflits et les violences qui déchirent l’intérieur mêmes des sociétés (intra-étatiques) se sont mulitpliés. Si c’est autour de trente conflits armés qui se génèrent ou se poursuivent chaque année depuis dix ans, c’est près de 80 pays qui sont soumis à des violences armées récurrentes émanant de groupes terroristes ou séditieux, de gangs armés, de maffias.
De nouvelles sources d’instabilités se sont fait jour : conflits intra-communautaires, violence sociale, pauvreté, chômage, exodes massifs, urbanisation défaillante, dégradation de l’environnement, crime organisé, réseaux terroristes, ethniques ou sectaires…

Dans toutes les sociétés, on assiste à une montée de l’insécurité sociale, liée à la précarité, à l’exclusion et d’une façon générale à l’incapacité de la société à répondre aux besoins croissants de bien-être et de respect des droits et de l’environnement. N’est-ce pas le modèle socio-économique libéral qui est la matrice générative de ces violences que l’on doit dès lors qualifier de ” systémiques “?

 

La tension entre ” ce que je suis en droit d’attendre ” et ” ce que je vis réellement ” n’est pas l’apanage des pays développés, loin s’en faut. Dans un article instructif proposé par le Dr Sessanga sur les sociétés subsahariennes (Arès N°49), il exprime la difficulté de ses sociétés à envisager une programmation temporelle dans le traitement de leurs difficultés, expliquant qu’elles se placent ainsi ” en situation de forte tension provoquée par le décalage entre une attente sociale élevée, construite le plus souvent en référence à l’environnement international, et disproportionnée par rapport aux moyens immédiats des pouvoirs publics subsahariens “. Il tente de comprendre pourquoi la guerre y ait souvent préférée à la paix, ” la paix n’a qu’une vertu de conserver les inégalités et d’enfoncer un peu plus les pauvres dans la misère “, tandis que la guerre porterait la possibilité de redistribuer les rôles.

Cet exemple illustre la dérive complexe et contradictoire de la notion de sécurité ; réduite à l’échelle individuelle elle peut, comme c’est le cas ici, n’être perçue que comme un élément de la ” lutte de tous contre tous “.
Cette conception atomisée et privatisée de la sécurité est aujourd’hui largement répandue, participant encore à la déresponsabilisation de l’Etat _et du politique_ au sens d’une incapacité de maîtrise du destin collectif pour garantir la sûreté des individus qui composent la société.

Cette dérive vers la ” privatisation ” de la sécurité est perceptible dans bien des sociétés. Dans les zones les plus fragiles se constituent de véritables ” systèmes de guerre “, où la survie est au bout du fusil, où aucun camp n’est capable d’imposer durablement sa victoire, où s’engloutissent jusqu’à disparaître les Etats comme les frontières, d’où des millions d’êtres humains tentent de s’échapper.

Prenant en compte cette évolution radicale de la notion de sécurité dans le monde de l’après-guerre froide, le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) de 1994 a ainsi proposé une conception de la sécurité ” humaine “, centrée sur les individus et définie comme suis : le fait d’être à l’abri des dangers chroniques comme la faim, la maladie ou la répression et celui d’être protégé des perturbations soudaines et douloureuses des shémas de la vie quotidienne. °

A partir de cette définition, comment ne pas voir que ces dix dernières années ont mulitplié les facteurs d’insécurité pour l’ensemble des habitants de la planète, réduisant l’illusion d’une vie meilleure pour tous sous l’impulsion du libéralisme économique mondialisé à un tragique échec ?
Comment ne pas voir aussi l’importance d’une réflexion individuelle et collective nouvelle sur la notion de sécurité, conçue comme lieu d’expérimentation et de promotion de principes et de valeurs autour desquelles nous pourrions envisager un avenir commun ?

 

Domaines d’actions et de convergences

La recherche des éléments et des axes de luttes qui pourraient permettre à terme à chaque être humain sur la planète de jouir de son droit à la paix et à la sécurité, constitue aujourd’hui , pour qui voudrait s’y pencher, une grille de lecture dont la cohérence s’organise peu ou prou autour des axes défninis par l’Assemblée générale des Nations Unies (résolution A/53/243B du 13 septembre 1999)consacrée aux huit domaines d’action assignés à la Décennie 2001-2010 ” en faveur d’une culture de la paix et de la non-violence “.

L’intérêt de prendre appui sur ce texte international est multiple : signé par les 189 représentants des Etats du monde, il n’est l’apanage d’aucun, émanant des Nations Unies, il concerne aussi bien les Etats, les institutions publiques que les acteurs privés, les individus et les ONG, il constitue ainsi un socle de référence pour nombre d’acteurs de la paix…
Ces huit domaines d’actions que nous allons développer sont le lieu de multiples convergences existantes ou à créer entre tous ceux qui, individus ou organisations travaillent à l’un d’entre eux, dans le but de proposer des cohérences d’actions.

 

1. La promotion d’un développement durable sur les plans économiques et sociaux (point 2)

La tension entre les besoins des habitants de la planète et l’incapacité des sociétés à y répondre est sans doute un facteur premier de déstabilisation, et le fossé croissant des inégalités constitue un terreau propice au développement de violences multiples.

Une douloureuse équation montre que les régions les plus pauvres de la planète ou celles qui ont connu un appauvrissement brutal, ont été ou sont celles où se déroulent les conflits de ces dernières années. Chacun connaît les chiffres qui, du Soudan à l’Algérie, du Rwanda à l’ex-Yougoslavie établissent un lien entre violences armées et misère.
Les injonctions des institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, OMC), la baisse constante de l’aide publique au développement (-25% en 10 ans), l’érosion du prix des matières premières et l’ouveture des marchés ont sonné le glas des espoirs de développement dans nombre de sociétés.
Et puisqu’il est question de développement durable, la dégradation de l’environnement, et la lutte pour sa préservation s’inscrivent dans les priorités des actions en faveur de la paix, tant ces facteurs entrent aujourd’hui en ligne de compte dans les causes des violences et de l’insécurité.
La désertification et la déforestation entrainent des migrations qui déstabilisent d’autres régions comme le flux de réfugiés venus de la Corne de l’Afrique jusque dans la région des Grands Lacs. L’eau, après l’énergie devient source de conflits.
Le défi que posent les OGM à la maitrise du droit à l’alimentation, largement mis à mal par la logique du marché mondial et d’une façon générale le modèle irrationnel de développement dominant , reconfigurant les économies locales et régionales précarise la vie de milliards d’individus et pose de façon urgente l’organistaion de la prévention des catastrophes écologiques.

Mais l’équation pauvreté = violence est bien insuffisante pour décrire la complexité des phénomènes qui entrainent des groupes ou des individus à recourir à la violence, voire à s’entretuer. A certaines époques où se dessinaient des perspectives de changements politiques, les inégalités ont constitué le terreau des révolutions. De même, l’échec des modèles fondés sur un développement qui ne tiendrait pas suffisamment compte de la participation des citoyens au projet collectif montre qu’un lien interactif radical se constitue entre développement, démocratie et paix. Dans une formule explicite, le secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, résume ainsi cet impératif : ” La paix est une condition du développement, mais celui-ci ne saurait durer sans démocratie, sans la paix, il ne saurait y avoir ni développement ni démocratie. Sans développement, la démocratie perdra ses fondements et les conflits se multiplieront. “
Aujourd’hui, des milliers d’individus regroupés dans des associations locales, nationales ou internationales travaillent ses liens de solidarités et de coopérations, liés à une conception durable du développement. La coopération décentralisée et d’autres initiatives ont permi à des collectivités locales ou territoriales de s’introduire dans cet espace de rapprochement solidaire
Mais c’est aussi sur les logiques globales que les convergences s’opèrent. La lutte pour le contrôle démocratique des institutions financières internationales, pour l’annulation de la dette des pays pauvres, pour la taxation et le contrôle des flux de capitaux, pour l’augmentation de l’Aide Publique au développement sont constitutives de l’avènement d’un monde plus sûr et plus pacifique.

 

2. Les mesures visant à favoriser la participation à la vie démocratique.(point 5)

A la lumière de la formule de Kofi Annan, il peut-être utile après le choc ressenti -aussi par les pacifistes- au soir du 21 Avril devant le score de l’extrême droite en France et les progrès de l’abstention, de creuser cet aspect fondateur d’une culture de la paix qu’est la démocratie, la participation de tous au projet collectif. Le philosophe Etienne Tassin, analysant les conflits des Balkans trace une ligne entre ce qui est ” commun ” qui définit la communauté sur des fondements identitatires, et ce qui est ” public “. Ainsi d’après sa définition, toute quête communuataire recèlerait un principe d’exclusion, tandis que l’idée républicaine de l’institution d’un espace public d’actions concertées permet la coexistence et même l’affrontement selon des règles mutuellement agrées de groupes conflictuels (corporations, classes, communautés, individus…). ” C’est pourquoi, ” écrit-il ” le passage de la guerre à la paix, du mal commun au bien public est un problème politique et non pas stratégique, un problème cosmopolique et non géopolitique “.

Instaurer cet ” espace public d’actions concertées ” capable d’accueillir l’expression des puissants conflits qui animent nos sociétés, de transformer en acte politique le témoignage de chacun sur son expérience de l’exploitation et de la souffrance, c’est à ce prix que seront combattues et dépassées les dangereuses dérives communautaristes qui émergent ici et là.
C’est là que git un des défis majeurs à la paix du monde.

Les dérives communautaristes dans leur essence, échappent au débat politique, leurs logiques, celles des terroristes du 11 septembre, des chevaliers blancs qui combattent ” contre l’axe du mal ” au nom de la ” civilisation “, construisent de dangereux miroirs aux alouettes. ” Je ” se définissant dans l’absolu de son identité ne conçoit que l’ ” être ” et place au-dessus de tout la préservation de son intégrité identitaire, il s’exclut de l’ ” agir ” qui s’accomplit dans la confrontation au monde et à l’autre. Les nazis ont montré combien cette schizoprénie identitaire pouvaient être contagieuse et hors d’atteinte de la sphère politique.

L’expansion du libéralisme, de ses principes et de son idéologie aux sphères culturelles et privées a ouvert une crise dans le principe démocratique lui-même, jetant l’opprobe sur la,/le/ les politique (s). La nécessité de la construction ou du renforcement à l’échelle locale, nationale ou régionale (européenne pour nous) et mondiale de ces espaces de débats politiques, d’expression individuelle et collective des souffrances pour en faire de l’action publique est au cœur des dynamiques qui façonneront la paix du monde.

Je reprends à mon compte cette formule _qui montre au passage combien sont erronées les conceptions statiques ou ” idéalistes ” de la paix, et impuissantes à en saisir la dynamique, quand tout au contraire construire la paix ressort d’une démarche politique radicale et volontaire_ : ” L’organisation politique de la paix, c’est l’institution d’une espace de conflit qui transforme la simple opinion en objet de dialogue et de controverse publique, la force destructrice de l’autre en antagonisme créateur et au sein duquel chaque individu peut s’affirmer politiquement comme sujet, c’est-à-dire celui qui assume ses actes ” ; ( E.Tassin .Remarques incidentes sur le mal commun et bien public p308) ;
Ce triangle interactif entre paix, développement et démocratie est aujourd’hui au cœur de nombreuses mobilisations. Ces trois pôles se nourrissent des avancées de l’un ou de l’autre, ils constituent un lieu de convergence privilégié. Fondamentalement, le combat pour l’annulation de la dette des pays pauvres, contre les politiques de misère sociale du FMI, les appétits de l’OMC, pour l’approfondissement de la démocratie et la promotion de la démocratie participative, sont des combats qui participent de l’élaboration de la paix.

 

3.La promotion du respect de tous les droits de l’homme . (point 3)

Tandis que se déconstruisaient nombre de lieux et de liens d’actions collectives ainsi que leur représentation, de nouveaux noeuds de mobilisation et de lutte ont émergé. Ces dernières années ont aussi été celles de grandes conquêtes démocratiques, fondatrices d’une nouvelle humanité en émergence. Les multiples mobilisations en faveur des droits humains ont ainsi changé la perspective de milliards d’individus sur eux-mêmes et sur le monde.
C’est une extraordinaire conquête de l’humanité, souterraine, largement sous-estimée qui s’est produite ses dernières années : la conquête des droits ( Charte du droit des enfants 1989, Droits des femmes 1995, Droits sociaux 1996). Lent mouvement des consciences, heurté, inégal, c’est cependant une marche inexorable de l’humanité vers elle-même. Fruit de la multiplication des échanges, de l’accès de nouvelles populations à l’éducation, nul individu ou presque sur la planète n’ignore ses droits. D’où les immenses frustrations, les décalages, les fractures. Mais ce socle, commun à tous, dessine le nouvel espace du futur, trace du projet pour les conquêtes sociales, agrège les énergies.
C’est une lame de fond qui illustre bien la phrase de Rousseau : ” Entre le riche et le pauvre, c’est la liberté qui opprime et le droit qui libère. ” C’est vers l’instauration d’un Etat de droit, pour permettre de garantir les droits de chacun que se fait la marche difficile vers le progrès et la démocratie dans nombre de sociétés. C’est au nom des droits que l’on descend dans les rues, à Paris, à Barcelone, à Kaboul, à Alger, ou à Porto Alegre.
Que ses droits soient bafoués, droit des minorités, droits sociaux, droit à une Terre, et les violences peuvent se déchainer. Le sentiment d’in-justice est un puissant mobilisateur ; construire la paix, une paix qui dure, c’est s’inscrire dans ce cheminement vers un droit toujours plus juste, plus en phase avec les besoins.
C’est aussi créer les lieux de débats et les mobilisations pour soumettre les relations internationales au droit, inventer une justice pour le monde, travailler à faire prévaloir en tous lieux la justice sur la force. Dans ce registre la création d’une Cour Pénale Internationale, les courageuses tentatives d’assignations de Pinochet devant un tribunal international et nombre de dictateurs ces dernières années, les Tribunaux internationaux spéciaux sur le Rwanda ou la Bosnie, participent de ce mouvement vers l’affirmation du droit sur la force.
En 1998, la Cour internationale de Justice a déclaré illégal l’usage des armes nucléaires. Certes les Etats nucléaires ne se sont guère empressés de les détruire, mais c’est un point d’appui pour les luttes, une délégitimation, qui a permis aux pacifistes britanniques qui avaient attaqué un sous-marin à coup de marteaux( !) et causés d’importants dégâts d’obtenir un non-lieu devant la Cour suprême de Grande-Bretagne.
Comment concevoir la paix, sans le respect des droits de chacun ? Sans conquête du droit sur la force ? C’est là encore un domaine riches de convergences des luttes sociales et des luttes pour la paix. N’est-ce pas autour de ce duo indissociable que s’est constitué le collectif large de plus de 40 associations et organisations syndicales et politiques qui ont mobilisé des centaines de milliers de nos concitoyens au lendemain du 11 septembre 2001 : ” Pour la Justice et pour la Paix, contre le Terrorisme et la logique de guerre ? “

 

4 .Les mesures visant à assurer l’égalité entre les hommes et les femmes (point 4)

Les discrimations dont sont victimes les femmes, leur infériorisation dans presque toutes les cultures et dans nombre de constitutions, constituent une matrice générative de nombreuses violences en cascades. La conquête de l’humanité par elle-même, la réconciliation de l’humanité avec elle-même, passe par le dénouement de ce nœud discriminatoire fondateur d’une culture de guerre. La lutte des femmes pour leur émancipation est ainsi fondamentalement une lutte pour pacifier la terre.
D’abord parce que les discriminations dont elles sont victimes servent de moule, de principe justificateur à toutes les discriminations de la société. Celle-ci, au sein du cercle familial comme aux yeux de la société sert de modèle à l’inégalité de traitement, à l’injustice, à la coercition, à la perpétuation de la loi du plus fort et de tous les arbitraires.
Dans les guerres ” modernes “( !) ce sont elles les premières victimes, des millions d’entre elles ont vécu des souffrances atroces, le viol avant l’égorgement étant devenu ” une arme de guerre ” de la Bosnie au Rwanda, de l’Algérie au Soudan.
Mariages forcés, mutilations sexuelles, répudiation, esclavage, traite, chomage, elles souffrent aussi au premier chef de toutes les méfaits de la mondialisation économique, de l’urbanisation anarchique et massive, du chômage, de l’indigence des services publics…
Ce sont aussi elles, souvent, qui se mobilisent pour arrêter les guerres , qui s’organisent pour la solidarité, qui renouent les liens avec les autres communautés et font repartir la machine économique.
Le chemin vers l’accession à l’égalité de droit est une expérience de conquête quotidienne et de libération humaine que vivent des millions de femmes. La nouvelle humanité vers laquelle elles nous conduisent ne ressemblera pas à celle d’hier, _non que les femmes face à la politique fussent bien différentes de leurs camarades masculins,_ mais le processus par lequel elles se libèrent, libère d’un même mouvement nombre de pesanteurs à l’intérieur des sociétés, affirmant le droit sur la force, la justice sur la tradition ; de plus pour leur permettre l’accès au travail et aux lieux de décisions, c’est tout le développement de la société qui est dynamisé.
La Marche mondiale des femmes a placé au cœur de son action la lutte contre toutes les violences dont elles sont victimes, ce faisant elles mettent en œuvre les réflexions et les actions qui dessinent une autre culture des rapports humains, elles enrichissent , elles construisent cette culture de la paix où chacun compte pour un.


5 . Renforcement d’une culture de la paix par l’éducation(Point 1) – Mesures visant à développer la compréhension, la tolérance et la solidarité (Point 6)Mesures visant à soutenir la communication participative et la libre circulation de l’information et des connaissances(Point7)

Nous touchons là au cœur des mécanismes de la production et de la reproduction des idées et
de leur circulation. Depuis l’aube des siècles, les shèmes qui composent culture de guerre et culture de paix s’affrontent en se perfectionnant. La culture de guerre pourrait se définir comme la somme des représentations, des valeurs et des comportements qui reproduisent l’exploitation et la domination par la force ou la puissance de l’aliénation. Le modèle économique dominant en constitue la matrice. De l’ordre du naturel serait cette loi du plus fort, du plus puissant, du plus compétitif.
Remise en cause dans les débats de société, les avancées des sciences humaines et les sciences
de l’éducation, la cohérence de cette culture de guerre qui organise un monde figé sur des valeurs obsolètes, paraît bien incapable d’accompagner l’humanité vers son accomplissement .
Héritage du passé, ancrée souvent à notre insu dans nos comportements, elle montre ses limites dans le cercle familal, l’entreprise, la cité, et jusque sur la scène mondiale.
” L’humanité “, pour reprendre l’expression du Père Guimarroes, dirigeant pacifiste brésilien, ” est en train de passer d’un paradigme de la guerre à un paradigme de la paix, même si nous n’en avons pas encore conscience “.
On est en droit bien sûr de contester une telle assertion qui pourrait ressortir d’un bel optimisme militant, mais revenons sur les débats de ces dernières années, les progrès dans la conception du droit, de la tolérance, de l’aspiration mondiale des citoyens à l’exercice de la démocratie. Avec des inégalités, des détours et des reculs, c’est aujourd’hui plus des deux tiers de l’humanité qui élisent leurs dirigeants, s’y constituent, de façon certes difficile et inégale, une société civile, la liberté de la presse, le syndicalisme et la vie politique et associative.
Jusqu’à la violence elle-même dont la perception relative nous fait trouver ” violents “, des comportements jusque-là banals et quotidiens. C’est bien parce que notre niveau d’exigences s’est élevé que nous condamnons le racisme à la porte des boites de nuit, quand c’est avec des fusils que nos pères ont voulu asservir des peuples.
En une génération, notre représentation du monde a été bouleversée, la génération qui vient, celle de la mondialisation, est en droit d’attendre que nous mobilisions des trésors d’énergie pour lui permettre littéralement de venir au monde.
Les valeurs, les comportements, la culture que nous allons lui transmettre seront déterminants. Il y a peut-être dans les travaux qui ont précisé les contours d’une ” culture de la paix ” un lieu de réflexion, de mise en commun, de convergences des multiples énergies qui travaillent à promouvoir et à perfectionner une éducation à la hauteur des besoins et des enjeux.
Voici la définition d’une culture de la paix adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies
en 1995 ( Résolution 0.12 sur la stratégie à moyen terme pour 1996-2001) :

1.Une culture de la convialité et du partage, fondée sur les principes de liberté, de justice et de démocratie, de tolérance et de solidarité

2.Une culture qui rejette la violence, s’attache à prévenir les conflits et à résoudre les problèmes par la voie du dialogue et de la négociation .

3 . Une culture qui assure à tous le plein exercice de tous les droits et les moyens de participer pleinement au développement endogène de la société.


Cette idée que la paix n’est pas la non-guerre, mais la capcité individuelle et collective à vivre ensemble dans le respect de chacun, ouvre de nouveaux horizons.
Des liens nouveaux s’établissent entre mouvements pacifistes et éducateurs, lieux de réflexions et d’actions qui ressourcent les uns et les autres. Une éducation qui n’auraient pas pour vocation de promouvoir l’esprit critique, la participation, l’accueil de l’autre et l’apprentissage de la résolution des conflits par le dialogue manquerait son objet. Se mobiliser pour la paix sans tenter d’aller aux sources des violences et travailler les valeurs et les comportements serait risquer d’occulter la cohérence du passage qualitatif d’une culture de la guerre vers une culture de la paix. Et, parlant d’éducation à une culture de la paix, l’engagement individuel dans un collectif d’action pacifiste ou citoyen apparaît comme une source intéressante et nécessaire d’apprentissage de la responsabilité et de l’autonomie de chacun.
La bonne nouvelle qu’il n’existe pas de déterminant génétique à la violence, que ni la guerre ni la violence ne sont dans la ” nature humaine ” doit encore être portée, examinée, approfondie. C’est un débat salutaire qu’il faut mener contre toutes les dérives sécuritaires.

La résolution des conflits par le dialogue s’inscrit dans l’évolution humaine. Edgard Morin en concluant son traité sur ” Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur ” rappelle que ” nous n’avons pas les clés qui ouvriraient les portes d’un avenir meilleur (…) Mais nous pouvons dégager nos finalités : la poursuite de l’hominisation en humanisation, via l’accession à la citoyenneté terrestre. Pour une communauté planétaire organisée : telle n’est-elle pas la mission d’une véritable Organisations des Nations Unies ? ” conclut-il

 

6 .Les mesures visant à promouvoir la paix et la sécurité internationale.

Evidemment, les débats esquissés plus haut trouvent ici un lieu privilégié de confrontation. La paix et la sécurité internationale comme objectifs à court, moyen et long terme ne sauraient se passer de progrès dans ces domaines, mais ils demandent également une réflexion et une action conjuguées des forces de progrès sur le terrain même du débat stratégique qui est avant tout un champ du politique.
C’est sans doute la responsabilité de ceux qui ont à cœur de faire avancer la paix d’ouvrir des pistes, de proposer des liens, économiques, sociaux, politiques, fondés sur des valeurs communes, une éthique. Il faut travailler à identifier là encore des axes de mobilisations qui permettent de tracer des cohérences du local au global, de l’individuel au collectif.
Les mouvements qui se réclament aujourd’hui du pacifisme sont très divers, certains ont un objet précis et se limitent à le travailler (lutte contre un type d’armement, lien paix et développement, mobilisations pour le Droit individuel ou international, la solidarité, l’éducation à la paix, etc… ) d’autres sont plus généralistes. On pourrait établir cinq champs privilégiés de leurs actions :


1. Cultiver la paix. Placer son intervention dans le cadre de la dynamique d’élaboration d’une culture de la paix, de la promotion de la démocratie, du développent durable et des droits humains.

2. Démilitariser la planète . Lutter contre toutes les formes les plus extrêmes de la coercition que sont les armements et les logiques qui les diffusent.

3. Agir en solidarité et en coopération avec les forces de paix partout dans le monde et en priorité dans les conflits.

4. Promouvoir l’éducation à une culture de la paix et de la non-violence travailler les comportements, questionner les modes diffusions et de représentation.

5. Agir pour une ONU et des institutions internationales efficaces et démocratiques au service de la justice, du développement, de la promotion des droits humains.

 

1- Cultiver la paix.
Sans revenir sur ce que j’ai tenté de proposer plus haut, c’est bien une nouvelle culture qu’il nous faut aujourd’hui concevoir, capable d’accueillir l’humanité mondialisée et d’ouvrir les espaces de citoyenneté du local au global. Les domaines stratégiques, ceux de la Défense et des relations inter-nationales, échappent encore trop à notre champ de perception politique et au débat de société. La ” mondialisation ” est en train de se produire, et nous manquons des grilles de lecture qui rendraient plus transparentes ces logiques. Par quel ” bout ” la prendre ?.
La paix n’est ni un idéal mystique, ni un ” état “, c’est une dynamique , une multiplicité de ” processus de paix ” qu’il faut enclencher du quartier à la planète. Identifier les acteurs, les convergences, analyser les besoins, travailler à ouvrir l’espace public aux souffrances et mettre en mots et en actes les multiples conflits qui traversent la société.
Construire la paix n’est-ce pas tout le contraire de fuir le conflit, mais bien de lui permettre de s’exprimer pour se dépasser ? Cultiver la paix, c’est analyser les causes des violences et définir des axes de mobilisations qui permettront l’action des citoyens pour les éradiquer.

Il y a urgence à permettre à nos concitoyens de s’approprier les termes du débat sur la “sécurité” mondiale, européenne et nationale, mais aussi individuelle. “Courir après les guerres” comme le déplorent souvent les militants de la paix n’est pas satisfaisant, c’est un travail de prévention qu’il faut mettre en route. Les conflits existants qui déchirent le monde, le sort de millions d’enfants, de réfugiés, de blessés ne laissent personne indifférent, mais la tâche de se mobiliser pour participer à construire les conditions de la paix dans chacun d’entre eux est gigantesque, c’est pourquoi il faut tenter d’agir en amont sur les causes et les dynamiques globales. Certes, le passage du local au global est délicat, mais c’est un défi lancés aux forces de progrès et de paix que de mettre au jour les liens relie entre eux le sort des habitants de la planète.
Il manque des outils d’études et d’analyse pour faire le lien entre les attentats du 11 septembre et, par exemple le résultat des élections du 21 avril en France, ou de la poussée de l’extrême droite en Europe même si nombres d’analystes font le lien, mais il devient de plus en plus clair par exemple que les décisions prises à la Bourse sur les cours des matières premières auront des conséquences sur la vie de millions d’individus en terme de développement et de sécurité, que les armes fabriquées au Nord ( à 90% par les pays du G8), sont celles qui tuent les enfants partout dans le monde, que les injustices dont est victime le peuple Palestinien nourrissent le désespoir et la haine bien au-delà des frontières d’Israël, que la politique hégémonique des Etats-Unis alimente l’affaiblissement du droit international et freine l’essor du multilatéralisme, rendant le monde plus injuste et moins sûr.
Le 2ème Forum social Mondial de Porto Alegre a tracé de façon nouvelle un lien fort entre luttes sociales et luttes pour la paix: “Notre combat pour la paix et la sécurité collective implique de s’attaquer à la pauvreté, aux discriminations et aux dominations et de s’engager dans la construction d’une société durable et alternative. Les mouvements sociaux condamnent énergiquement la violence et le militarisme comme moyen de résolution des conflits. Ils condamnent la multiplication des conflits de faible intensité, les opérations militaires, le commerce des armes, l’augmentation des dépenses miitaires(…) Pour la paix, nous affirmons le droit de tous les peuples à la médiation internationale avec la participation d’acteurs de la société civile indépendants. Contre la guerre et le militarisme, contre les bases et les interventions militaires étrangères et l’escalade systématique de la violence , nous privilégions le dialogue, la négociation, la résolution non-violente des conflits.”Cet extrait de la déclaration finale du 2ème Forum Social Mondial montre combien les perspectives de convergence entre le champ social et le champ de la paix sont ouvertes.

 

2- Démilitariser la planète.
La prolifération des armes, la puissance par le militaire et la militarisation des consciences favorisent la persistance de la culture de guerre. Ils en constituent le socle et la structure. C’est l’ordre nucléaire qui hiérarchise encore la puissance sur la scène internationale et la capacité à détruire qui fonde la plupart des politiques de “défense”. Au bout du compte, un soldat, régulier ou pas, c’est un être humain avec une arme entre les mains et disposé à s’en servir. C’est sur les deux qu’il faut agir, pour des raisons d’efficacité ( les armes ne constituent en aucun cas la garantie de la paix), des raisons éthiques ( la loi du plus fort, n’est pas la loi, c’est l’expression de la barbarie), des raisons financières (les dépenses militaires mondiales, en hausse depuis 1998 sont de l’ordre de plus de 800 milliards de dollars par an!).

Alors qu’on pensait la terreur nucléaire circonscrite à la Gerre froide, la Nouvelle Posture Nucléaire (NPR) américaine, annoncée il y a quelques semaines, remet au premier plan cette menace primitive. L’usage de l’arme nucléaire y est banalisé, ( “contre des pays possédant des armes de destruction massive (…) ou dans l’évenutalité de développements militaires surprenants ” -” in the event of surprising military developpments “-) on y désigne des pays “cibles”, Irak, Iran, Syrie, Libye, Corée du Nord en plus de la Chine. Si chacun peut se réjouir de l’annonce conjointe par Bush et Poutine de la réduction d’ici 2012 de 6000 à 2000 de leurs têtes nucléaires stratégiques, nulle garantie n’est offerte pour le vérifier, par contre, le Traité ABM est passé à la trappe, permettant au vieux rêve de Reagan de progresser : la guerre des étoiles et la constitution d’un “bouclier anti-missile “.
Quant aux Traités multilatéraux de désarmement comme le Traité d’Interdiction Total des Essais Nucléaires, à inscrire au tableau des victoires récentes (1996) des pacifistes, il n’a pas été ratifié par le Sénat américain, et les progrès que la France et les Etats-Unis ont effectués dans leur centres d’expérimentation de la simulation ( notamment pour tester des armes nucléaires miniaturisées) l’ont considérablement affaibli.
La première cession de la conférence préparatoire à la révision du Traité de Non Prolifération qui s’est tenue au mois d’avril à New York , malgré la présence des ONG, a laissé les participants sur leur faim devant le blocage conjugué des cinq pays nucléaires. Si bien que le réseau mondial Abolition 2000 (2000 organisations de 90 pays pour le désarmement nucléaire) lance un appel à la vigilance et à la mobilisation mondiale pour que ce Traité qui organise la non-prolifération en échange du désarmement ( Article VI), soit enfin mis en oeuvre.
Durant la guerre froide la mobilisation contre l’arme nucléaire a été suscitée sous l’effet de terreur qu’elles imposent. Après la Chute du Mur, la dissolution du Pacte de Varsovie, ce sont les aspects plus politiques de la domination des puissances nucléaires et de la hiérachie de l’ordre mondial qui ont été mis en avant contre l’arme nucléaire ; la NPR, et ce que la panne des processus de désarmement induisent comme relance potentielle de la course aux armes de destruction massive, met les deux arguments au premier plan : danger de banalisation des armes nucléaires, de prolifération et à terme d’utilisation et instrument de domination politique.
Toutes sortes d’armes ont suscité des mobilisations souvent efficaces depuis 10 ans. Le meilleur exemple est la Convention d’Ottawa(1997) sur les mines anti-personnel. Outre les associations pacifistes, ce sont les mouvements pour le développement, qui autour d’Handicap International ont réussi le tour de force d’enrayer leur prolifération.
D’autres résaux nationaux et mondiaux se constituent contre le commerce des armes légères, contre les armes à uranium appauvri, contre la militarisation de l’espace… Mais pour faire face à la pression à la hausse des budgets militaires qui se dessine depuis 1998, à la (re) militarisation des relations internatoinales et qui après le 11 septembre parait contaminer nombre de pays, c’est d’une toute autre ampleur que devrait être la mobilisation contre les armements et leur prolifération.
Le frein majeur à cette action salutaire, est, je crois, la ” militarisation ” des esprits. Le vieil adage romain ” Si tu veux la paix, prépare la guerre “, persiste à dominer les consciences et les logiques de sécurité. La peur qu’on inspire apparaît toujours comme le meilleur moyen ” d’avoir la paix “. Ne faut-il pas aussi porter le débat sur l’efficacité de ces politiques ? ” Aucune arme nucléaire, aucune armada ne parviendra à dissuader un groupe de terroristes décidés à mourir en tuant le maximum de personnes ” disait le texte signé par le collectif d’organisations mobilisés en France au lendemain du 11 septembre .
De New-York à Jérusalem, de Kaboul à Belgrade, l’échec de la force est patent.
Si ce débat de fond marquait des points, il permettrait d’aborder avec sérénité la question de la reconversion des industries de l’armement. Nombre de ses personnels sont ouverts à ce dialogue avec les pacifistes. Les pistes qu’offriraient une reconversion vers une industrie du désarmement -par exemple- sont ouvertes, en particulier dans les recherches de l’Onu et des ses institutions, mais aussi parmi certains personnels de ces indisutries.
Dès sa réélection le Président Chirac a tenu à annoncer la priorité qu’il mettait dans l’augmentation de 5 milliards d’Euros du budget militaire et mis sur le chantier une nouvelle loi de programmation militaire ” à la hausse “. ” Priorité ” des besoins des Français, en est-on bien sûr ?
Démilitariser les relations internationales, c’est rendre la parole à la résolution politique des conflits, ouvrir la porte au multilatéralisme. L’élaboration d’une défense européenne, dont le fer de lance aujourd’hui se constitue autour de la fusion des industries d’armement des Quinze, pose de ce point de vue nombre de problèmes. Allons-nous laisser se développer des pôles de puissances et de rivalité économico-militaires ; ou l’Europe saura-t-elle s’inscrire dans d’autres logiques ? Les enjeux pour l’avenir sont considérables. Sans l’intervention des citoyens, comment répondre à l’espoir que nourrisent nombre de peuples, que l’Europe prenne ses responsabilités, face aux vélleités hégémoniques des Etats-Unis et aux désordres du monde.

4- La solidarité avec les forces de paix.
Partout dans le monde des femmes et des hommes se dressent contre les guerres et les violences, au cœur des conflits, ils gardent la boussole de l’avenir entre leurs mains, travaillent à rejeter la haine, à établir des ponts, à jeter les bases de la réconciliation. Pour illustrer l’importance du soutien à leur cause, je prendrai l’exemple du conflit du Proche-Orient parce qu’il suscite des mobilisations bien au-delà des rangs pacifistes dans tout le mouvement social progressiste.
– Nous avons besoin d’entendre et de faire entendre les forces de paix en Israel et en Palestine pour comprendre les difficultés auxquels elles se heurtent, pour suciter des mobilisations autour d’exigences qu’elles formulent _et éviter en passant de superposer nos enjeux et notre propre lecture du conflit à la réalité de ce qui se joue. Ensuite, pour permettre que se constitue un rassemblement puissant susceptible de faire bouger notre gouvernement et l’Europe, il faut que nos concitoyens adhèrent à l’idée qu’il existe en Israël et en Palestine une réelle aspiration à la paix, -les causes perdues ne mobilisent guère-. Enfin, et dans le même registre, diabolisation et victimisation se renforcent multuellement et nourrissent les extrêmes, écartant du même coup tous ceux qui souhaiteraient agir en faveur de la paix et non risquer d’être récupéré par un camp ou un autre.
Donnons la parole aux Palestiniens et aux Israéliens qui aspirent à vivre en paix, ni faucons colonialistes, ni bombes humaines en puissance, les plus conscients d’entre eux dénoncent les violences jusque dans leur propre camp. Si un effort pour populariser la voix des pacifistes israéliens est perceptible, a-t-on assez diffusé l’Appel de plus de mille personnalités palestiniennes qui dénoncent les attentats suicides, car disent-ils ” des actions de ce type aggravent la situation critique actuelle et augmentent la barrière entre les peuples israéliens et palestiniens (…)Elles tuent aussi toute possibilité pour les deux peuples de vivre en paix côte à côte dans leurs pays voisins(…) elles augmentent seulement le nombre des ennemis de la paix du côté israélien et apporte des excuses au gouvernement Sharon ” ?
Parce que le champ de la paix est nécessairement international, c’est de longtemps que les organisations pacifistes ont tissé des liens à travers le monde. Leurs réseaux se renforcent et s’enrichissent des expériences des uns et des autres. A partir de leurs champs spécifiques, nombre d’entre elles sont en train de prendre la mesure des interactions entre luttes sociales et luttes pour la paix et commencent à intervenir dans le débat sur la mondialisation.

5- L’Onu, et la constitution d’un Droit pour le monde.
” Nous les peuples du monde, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre.. ” Ces mots qui ouvrent la Charte des Nations Unies, rappellent les exigences que l’on est en droit de formuler à l’endroit de l’organisation internationale de sécurité. Mais l’inefficacité de l’Organisation à assumer son rôle dans la prévention et la résolution politique des conflits, les deux poids -deux mesures dans l’application des résolutions, son effacement ou sa soumission lors des crises mondiales de la guerre du Golfe à la mobilisation anti-terroriste l’ont rendu suspecte aux yeux des peuples.
Pourtant, l’alternative se situe aujourd’hui plus que jamais entre le renforcement de l’Onu et la toute puissance américaine. Entre logique multilatérale et pôles de puissance, entre approche poltique de la sécurité et approche militaire.
Nombre des questions posées par l’élaboration de la paix et approchées plus haut trouve ainsi dans le débat sur l’ONU leurs prolongements et leurs mise en œuvre.
Les Sommets organisés par les institutions de l’Onu sont des rendez-vous mondiaux pour un nombre croissants de citoyens et d’ONG, l’Onu réalise sur bien des aspects la rencontre entre le champ de la paix et de la sécurité qu’elle a en charge et le développement durable, les droits humains, ainsi que toutes les questions qui traversent la société-monde. C’est l’esprit même de sa Charte.
Reflet de l’état du monde et des rapports de force, elle en concentre les enjeux. Pour les années qui vienne, s’y noue un défi central lancé au forces de paix comme aux forces de progrès issues du mouvement social.
J’ai tenté de mettre en lumière quelques-unes des convergences de fond qui unissent dans ce même élan pour un ” autre monde possible “, luttes sociales et luttes pour la paix. Ces quelques thèmes, forcément elliptiques, soulignent je crois l’urgence de nourrir le débat sur les valeurs et sur les fins de notre humanité. Je concluerai par ces mots empruntés à Lucien Sève : ” A la mondialisaton capitaliste est à opposer le plus résolu des internationalismes, mais un internationalisme de nouvelle génération.(…)L’universalité humaine vers laquelle il s’agit d’aller ne peut être celle où l’unité abstraite d’une forme dominante prétend s’imposer aux identités singulières des nations comme des personnes(…) mais bien cette universalité concrète où chaque singulier devient comme tel sociétaire
à part entière du genre humain en en intériorisant à sa façon les valeurs communes(…). *” Cette universalité concrète, ce sont nos luttes qui la forgeront.
(“* Commencer par les fins “. Ed. La dispute p133)


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