Organisations Non Gouvernementales – 3 Mai 2012 15h-18h
Les stratégies de la société civile pour établir un Moyen-Orient sans armes nucléaires
(ZEAN = Zone Exempte d’Armes Nucléaires)
– position des Etats-Unis sur la ZEAN au Moyen-Orient
Promouvoir le désarmement nucléaire au Moyen-Orient est difficile pour les Etats-Unis, vu qu’Israël a l’arme nucléaire. L’Iran sert de bouc-émissaire alors même que c’est un Etat qui appartient au TNP (Traité de Non-Prolifération nucléaire) et qui respecte le régime de non-prolifération selon l’AIEA.
– Sharon Dolev : Il est important de faire entendre notre voix, et celle d’un grand nombre de gens de la société civile du Moyen-Orient. Cela concerne le Moyen-Orient, pas seulement les pays occidentaux en parlant du Moyen-Orient. Il faut aussi parler du Pakistan par exemple. La Conférence prévue en 2012 pour lancer les négociations devant aboutir à la création d’une ZEAN au Moyen-Orient n’est pas un évènement, c’est un moment. Il est nécessaire à son succès qu’Israël et Iran soient autour de la table. Je ne pense pas que l’Iran décide de créer une bombe tout de suite.
On ne peut pas réduire le Moyen-Orient en excluant le reste du monde. Israël regarde l’Iran, qui regarde le Pakistan, qui regarde l’Inde, qui regarde la Chine, qui regarde les Etats-Unis, qui regardent la Russie.
La solution est de parler aussi au reste du monde. Tous ont la même obligation de désarmement qu’Israël. Ce sommet ne peut pas échouer. Nous voulons un monde libéré des armes nucléaires.
Nous avons commencé une campagne où nous commençons à parler des conséquences de l’utilisation de l’arme nucléaire. Nous commençons à avoir un réseau d’ONG, et nous avons beaucoup de projets : éducation au désarmement, site internet…
– Ahmed Sa Ada (physicien Egyptien) : Pour moi, I CAN est une campagne internationale. Cela signifie être en contact avec des gens de tous les pays, y puiser de l’énergie que je retransmets en Egypte et aussi retransmettre notre propre énergie au collectif international.
Comme physicien, je me rends compte du danger que représente l’arme nucléaire. Nous faisons une campagne d’information, d’alerte des gens à qui on explique, et qui maintiennent la pression sur le gouvernement égyptien pour qu’il continue son action positive.
Mon problème n’est pas seulement avec Israël. Mon problème est que les puissances nucléaires parlent au Moyen-Orient comme devant devenir une ZEAN.
Nous devons être capables de construire un véritable réseau international.
En tant qu’humain, en tant que physicien, je dis que c’est notre mission, pour nos enfants, d’éradiquer cette bombe. Nous le pouvons.
Débat
– Turquie : nous voulons un vote pour qu’il y ait la création d’une ZEAN pour éviter qu’il y ait des armes nucléaires en Turquie. Nous n’en avons actuellement aucune. Nous pouvons l’empêcher. Un monde exempt d’arme nucléaire est possible.
– Israël et les Etats-Unis sont d’accord pour une ZEAN, mais la paix doit d’abord s’installer.
– J’ai le sentiment qu’Israël considère sa sécurité comme indépendante de celle des autres et ne donnera donc aucune garantie aux autres Etats, et je ne vois pas comment changer ça.
– Sharon Dolev : On sent tout de même les choses bouger dans l’opinion publique Israélienne. Par exemple, des Hibakushi (survivants d’Hiroshima et de Nagasaki) ont été invités récemment au Parlement israélien. Peut-être ont-ils convaincus certains parlementaires.
– Le désarmement est promoteur de paix
– Pierre Villard : Il y a de plus en plus de gens du Moyen-Orient dans notre campagne : c’est sans doute aussi un résultat de la campagne ICAN. Je ne suis pas du Moyen-Orient, mais je suis sûr que le futur, mon futur, passe par le Moyen-Orient, et par une ZEAN au Moyen-Orient. Pas seulement au Moyen-Orient bien sûr, mais aussi au Moyen-Orient.
Nous devons poser la question à tous les gouvernements, et faire pression sur eux et les mettre face à leurs responsabilités. Comment pouvons-nous aider, nous, Français, à la mise en place d’une ZEAN au Moyen-Orient ?
– WILPF (Women International League for Peace and Freedom –Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté) : 65% des Israéliens sont d’accord pour la création d’une ZEAN au Moyen-Orient. Le problème est de convaincre le gouvernement.
– Sharon Dolev : La meilleure chose à faire pour nous aider est de convaincre le gouvernement français de mettre en pratique le désarmement nucléaire. Pas au Moyen-Orient, mais bien en France, parce que cela participerait à casser le discours de notre gouvernement selon lequel notre sécurité est assurée par la bombe israélienne.
– Turquie : le pays souhaite être membre de l’OTAN, (ce qui n’est pas mon cas). Cela implique d’accepter des armes nucléaires sur notre sol. Nous sommes donc aussi concernés par le débat et par la ZEAN. Nous refusons que les Etats-Unis utilisent le territoire turc comme ils le font actuellement en Irak. Je trouve que c’est très important ; C’est pour ça que je suis engagé dans la campagne ICAN.
ONG – Ici Vienne
Des chiffres et de la destruction
Vienne – Le bunker onusien qui longe le Danube est impressionnant, la sécurité aussi sérieuse ou obsessionnelle qu’à Roissy. Mais la capitale autrichienne peut s’enorgueillir de devancer Genève dans le hit-parade des capitales européennes – si l’on se réfère aux chiffres du Branding Institut Européen.
Le coût des arsenaux
En matière de chiffres, la soixantaine d’ONG présentes ont été servies. Le 30 avril, le Bureau International de la Paix (BIP), et son président Tomas Magnusson comme maître de séance, ont convié les représentants de la société civile dans l’une des belles salles du Centre International de Vienne. Objectif : mettre à jour et mieux mettre en forme la campagne ‘D pour D’ (Désarmer pour Développer). Une campagne qui, depuis 2007, a trouvé des relais jusqu’en Inde, et qui, avec la mobilisation annuelle contre les dépenses militaires – relayée par l’ONU – semble avoir trouvé un nouveau souffle. L’actualité, convenons-en, lui a fourni de sacrées cartouches. En effet, la campagne prend un sens nouveau depuis que la crise financière frappe de plein fouet les économies occidentales. Il est donc plus aisé de rappeler que les budgets militaires doivent aussi subir nolens volens de sérieuses cures d’amaigrissement ; que les apôtres de la bombe et des lanceurs qui vont avec doivent se serrer la ceinture ou sacrifier quelques uns de leurs joujoux.
Qui fait le décompte ?
A Vienne, à la rencontre des ONG, – TNP oblige ! – il s’agit bien de se focaliser sur les dépenses nucléaires (militaires). Et de les dénoncer. Ces dépenses – non fournies par les instituts comme le SIPRI – représenteraient 10 % de ces budgets (de la défense) selon le travail publié et orchestré par Global Zero ; et plutôt 30 % selon le chercheur iconoclaste Ben Cramer. Au vu des approximations dans le chiffrage, (le ‘nous en déduisons que …’ de Global Zero) qui n’ont pas convaincu la représentante de l’Israeli Disarmament Movement (RPM) Sharon Dolev, (animatrice de l’émission ‘According to Foreign Sources’), Cramer a plaidé en faveur d’une plus grande transparence. Plus concrètement, il en a appelé à la mise en place d’un registre onusien sur les armes nucléaires, un registre « de la Bande des Neuf » en faisant allusion aux neuf Etats Nucléaires de facto qui représentent qu’on le veuille ou non, 50% de la population mondiale.
Et les universités ?
Dans le courant de l’après-midi, une autre rencontre, initiée par l’ONG I.N.E.S., (International Networkd of Engineers and Scientists for Global Responsability) a renvoyé à une problématique similaire ; les liens entre « la science et les militaires », ce que Rainer Braun (de l’association des Juristes contre la course aux armes nucléaires) a surnommé « le complexe militaro-scientifico-industriel ». Là encore, le besoin de revoir les chiffres à la hausse a constitué le plat de résistance des échanges. La démonstration a été faite grâce à l’exposé brillant d’un autre chercheur, d’origine indienne, Subrata Goshroy. Dans un discours-fleuve, Subrata (qui travaille désormais pour le MIT), a fourni des chiffres impressionnants (inexistants en France) sur l’implication du Pentagone dans les universités américaines. Il a tenté d’éclairer ce que le Pentagone ne comptabilise pas, comment les chiffres sont tronqués et comment les citoyens sont leurrés.
Et le monde industriel et les banques ?
Diaporama à l’appui, le jeune étudiant britannique Tim Right de l’ONG ‘ICAN’ a tenu à faire partager l’enquête qu’il a co-menée sur l’implication des entreprises dans la production des systèmes d’armes nucléaires. Un listing des entreprises qui relègue à l’arrière plan Thales et Safran. La démarche vise aussi et surtout à déterminer le degré d’implication des banques (Société Générale BNP, Natixis non mentionnées par Right mais présentes dans le rapport Don’t Bank the Bomb publié par ICAN), des banques qui investissent dans ces aventures nucléaires, et mériteraient d’être boycottées. Comme l’a précisé la militante féministe Cora Weiss, ex-patronne du BIP, aujourd’hui représentante à l’ONU, le boycott a été en son temps « une arme redoutable pour ébranler l’apartheid ».
Si Cramer a insisté sur la dimension humaine de toute réflexion sur les coûts (et blessures) des armes nucléaires, Kate Hudson de la CND a mis en avant dans son intervention l’intérêt de « cibler les entreprises ». Elle a rappelé au passage, – enquêtes à l’appui- que la question nucléaire représente un enjeu social, puisque la filière high-tech (comme pour les Trident) est incapable de produire des emplois ou presque.
1er Mai 2012. Transmis par Ben Cramer.
VIENNE TNP 2012 Compte-rendu de réunion ONG (Francis AZAN et Alain ROUY)
30 avril 15-18 h
Organisateur : INES (International Network of Engineers and Scientists / Réseau international d’Ingénieurs et de Scientifiques)
Thème : Implication du militaire dans la recherche et le développement des sciences
3 intervenants
Rainer Braun (Allemagne) souligne avec force la dualité existant entre recherche militaire et recherche civile et donne de nombreux exemples : microélectronique, système de localisation par satellite (GPS), superordinateurs….
On constate que les recherches financées dans des laboratoires des universités avec des objectifs civils ont au final des applications militaires ; pour s’opposer à de tels processus, Rainer Braun propose d’introduire dans les contrats de recherche et développement entre l’Etat et les universités une clause « civile » qui empêche le détournement de la recherche à des fins militaires. Au Japon, 40 universités ont adopté des clauses de ce type et en Allemagne, une dizaine d’universités ont fait de même. Rainer Braun propose que cela soit généralisé à l’ensemble des universités par l’action des étudiants et des professeurs exigeant que la recherche soit dédiée uniquement aux activités humaines et pacifiques.
Stuart Parkinson (Royaume Uni) évoque les nombreux partenariats conclus entre industrie civile et militaire concernant aussi les contrats de recherche et développement passés avec les universités. Ainsi, les financements pour la recherche sont captés en grande partie par les militaires (par exemple les recherches sur le sous-marin du futur, sur la propulsion nucléaire, les hélicoptères, les avions de combats, les drones, etc…), ce qui freine la recherche sur besoins humains civils.
La baisse des budgets recherche et développement entre 2010 et 2014 en raison de la crise économique a conduit à la mutualisation des efforts de recherche dans le domaine militaire, d’où par exemple les accords de partenariat entre la France et la Grande-Bretagne pour la simulation atomique ainsi que les très nombreux partenariats entre les USA et la Grande-Bretagne.
Stuart Parkinson propose plusieurs objectifs d’action :
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accroître la transparence des dépenses de recherche militaire
-
faire baisser le niveau des dépenses de recherche militaire
-
développer la recherche sur les activités de désarmement
-
augmenter les budgets pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux et ainsi supprimer les causes des conflits que sont la famine, les problèmes d’accès à l’eau et à l’énergie, etc..
Subrata Ghoshroy (USA) qui est chercheur au MIT (Massasuchets Institute of Technology), commence par un rappel historique sur les dépenses motivées durant la guerre froide par la course aux armement et constate que 20 ans après, le niveau de ces dépenses n’a pas diminué, bien au contraire. Aujourd’hui, les dépenses militaires des USA s’élèvent à 700 milliards de dollars par an, soit 7 fois plus que la Chine (100 milliards $) et 12 fois plus que la Russie (60 milliards $).
Subrata Ghoshroy souligne la grande dépendance des universités vis à vis des militaires : ainsi, le MIT reçoit 1400 millions de dollars par an de la défense. Un exemple de recherches ainsi financées porte sur les nanotechnologies permettant d’améliorer l’invulnérabilité du « soldat du futur » ; celui-ci portera sur lui des capteurs à même de détecter des explosifs dans son environnement (premiers tests en Irak et en Afghanistan).
Subrata Ghoshroy préconise les actions suivantes :
-
campagnes internationales de pétitions pour diminuer les budgets de recherche militaire
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monter un réseau de collecte de données sur la recherche militaire dans toutes les universités des pays de l’OTAN, de la Chine, d’Inde et de Russie
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organiser dans les universités des débats sur ces thèmes
-
promouvoir la recherche sur des objectifs pacifiques
Selon lui, la situation internationale est favorable à l’action unie des scientifiques de tous les pays pour la paix.
VIENNE TNP 2012 Compte-rendu de réunion ONG (Francis AZAN et Alain ROUY)
30 avril matin
Organisateurs : IALANA (Assoc. Internationale des Juristes contre les Armes Nucléaires) INES (International Network of Engineers and Scientists / Réseau international d’Ingénieurs et de Scientifiques)
Thème : Armes nucléaires en Europe et partage des moyens nucléaires
4 intervenants
Hans Kristensen (USA) souligne la contradiction entre la réalité de la décroissance du nombre de têtes nucléaires suite aux accords START entre USA et ex-URSS et l’accroissement du danger nucléaire dû à la modernisation des armes et au partage des moyens.
Décroissance : les stocks des USA ont été réduits de 74% depuis la fin de la guerre froide (de 19000 à 4900 têtes en 2012), ceux de la Russie de 81% (de 31000 à 6000 en 2012).
Modernisation : elle se poursuit dans tous les Etats sans objectifs d’arrêt actuellement en vue. Exemples : guidage terminal des bombes pour augmenter leur précision d’impact, accroissement de la non détectabilité des vecteurs de ces armes.
Partage : le partage des moyens entre Etats dotés de l’arme nucléaire et Etats non dotés consiste par exemple à équiper des avions Tornado allemands pour porter des armes nucléaires US.
Hans Kristensen appelle à ce que les relations USA-Europe existant dans les domaines économique, diplomatique et culturel excluent le domaine nucléaire.
Peter Becker (Allemagne, IALANA) préconise de s’appuyer sur des dispositifs législatifs pour s’opposer au partage des moyens entre Etats dotés et non dotés de l’arme nucléaire ; il propose de développer auprès des législateurs des pays européens de l’OTAN non dotés un argumentaire leur permettant d’interdire ce partage.
Kate Hudson (Grande-Bretagne, CND) explique que la crise économique donne de nouveaux arguments pour réduire les dépenses militaires, notamment pour la modernisation des armes nucléaires. D‘autant plus que les armes atomiques ne peuvent en rien répondre aux menaces les plus ressenties par la population que sont le réchauffement climatique, la criminalité ou le terrorisme.
Elle souligne qu’au Royaume-Uni, 60% de la population est opposée à ces dépenses de modernisation.
Jean-Marie Collin (France) fait un rappel historique de l’accès de la France à l’arme nucléaire sous De Gaulle ainsi que des campagnes contre l’arme nucléaire avant de décrire la situation actuelle de la France qui dispose de :
- 40 missiles air-sol moyenne portée (ASMP)
- 300 têtes nucléaires
- 4 sous-marins, dont le Triomphant porteurs du missile M 51 (800 km de portée et 500 mètres de précision)
- porte-avions pour le Rafale
- moyens de modernisation (le laser mégajoule, simulation atomique et autres coopérations avec les Britanniques pour les 15 années à venir).
Durant la campagne électorale présidentielle, la politique nucléaire militaire de la France n’a pas fait l’objet de divergences entre les candidats Hollande et Sarkozy.
S’il est élu, François Hollande devra toutefois prendre en compte les positions des Verts et du Front de Gauche contre l’armement nucléaire ; par ailleurs, dans la mouvance socialiste, Michel Rocard et Paul Quilès soutiennent tous deux l’initiative Global Zéro et Paul Quilès fait des propositions concrètes pour le désarmement nucléaire dans son livre qui vient de paraître sous le titre Nucléaire : un mensonge français.. La politique de la France peut bouger dans le bon sens si les organisations pacifistes françaises et britanniques collaborent activement ensemble à cette évolution.
A consulter aussi :
– La composition de la délégation
– Conférence ICAN des 28 et 29 avril 2012
– Les activités des ONG
– Les rendez-vous avec les ambassadeurs
En construction :
– Les positions des principaux pays lors du débat général


