1ère plénière : Culture de la paix, l’avenir des jeunes ?
Les interventions des invités
Tom Oroffino, Union des étudiants de France (UNEF) :
« Pour l’UNEF, la question de la Paix eshat d’abord historique. Au moment de la guerre d’Algérie, l’UNEF a d’abord lutté contre l’envoi d’étudiants pour y faire la guerre, avant de soutenir la lutte du peuple algérien. Cette période a été un tournant pour l’UNEF qui est alors devenu véritablement un syndicat, avec une dimension politique. La question internationaliste s’est imposée à l’UNEF (crée en 1907, NDLR) à ce moment-là.
Cette problématique est restée et dans les exemples contemporains, lors de la guerre au Kosovo, l’UNEF a envoyé des camions de produits de première nécessité pour les Kosovars. Récemment, nous avons aussi participé à une délégation dans un collectif « Vérité sur le Rwanda » pour remettre au centre des réflexions le rôle de l’état français sur cette question. Nous prenons aussi position sur le conflit israelo-palestinien et nous coopérons avec des syndicats colombiens dans leur processus de paix actuel.
C’est ainsi que nous irriguons nos adhérents, militants et réseaux avec des grilles d’analyses sur quelles sont les origines du conflit, comment on peut amener à la paix. Nous avons aussi des prises de position externe comme au Burkina Faso où nous avons été parmi les premiers à prendre une position publique forte. Nous étions en contact régulièrement avec un jeune étudiant qui risquait sa vie pour nous faire remonter des informations sur cette dictature.
Nous intervenons aussi régulièrement sur la lutte contre les différentes discriminations : racisme, homophobie, LGBTophilie, etc. en organisant des conférences, des tractages, des débats,…Tous les ans nous organisons un Festival étudiant contre le racisme et les discriminations, des « Semaines de l’égalité ». On essaie ainsi d’inculquer la Culture de la paix auprès des étudiants. Ce n’est pas forcément facile car nous sommes un syndicat et les problématiques sont aussi d’améliorer la condition des étudiants, mais nous voulons aussi changer la société en profondeur et nous voulons donner aux étudiants les différents éléments pour leur permettre de comprendre les conflits dans le monde. »
Sandra Rouleau, diplômée en FLE investie dans l’accueil de réfugiés
« Parler de Paix et de culture de la Paix dans le contexte actuel ne vient pas forcément comme une évidence. On ne peut pas occulter la violence qui nous entoure ici et ailleurs.
Je pense évidemment aux guerres : celles qui sont médiatisées et celles qui sont passées sous silence ; je pense à la violence économique, où la loi du plus fort est plus que jamais de mise ; je pense à la violence sociale, et à toutes les personnes qui se « regardent de travers » au nom de telle ou telle différence réelle ou supposée ; je pense aussi à toutes les formes de violence qui se jouent dans l’intimité des foyers…
Néanmoins, au-delà du bruit médiatique tellement enclin à nous maintenir dans un état de peur, quand j’écoute les mots et que j’observe les attitudes des jeunes d’une vingtaine de nationalité que je côtoie au quotidien, c’est une aspiration profonde à la paix que je vois. Plus qu’y aspirer, ils la cultivent, ils l’expérimentent.
Ici, il me semble intéressant de vous raconter quelques histoires porteuses d’espoir :
J’ai envie de vous parler des aspirations d’une apprenante péruvienne, très attachée à son pays. Au retour d’un voyage à Lima, elle nous raconte qu’elle est heureuse d’être revenue en Bretagne car elle y apprécie la sécurité…et pour cause, dans son pays, elle s’est retrouvée 2 fois avec un pistolet sur la tempe. Elle dit : « ici, tu peux te balader avec un sac à main, un téléphone ; chez moi, tu peux te retrouver face à une arme pour te les faire voler ! » Aujourd’hui, cette jeune femme s’implique dans les échanges culturels en milieu associatif au travers de sa passion pour la danse.
Parlons également de cette jeune femme qui quitte un emploi « prestigieux » de graphiste pour s’occuper de la protection de la nature. Elle a pris conscience que son travail ne faisait que servir les intérêts d’individus engagés dans un système économique aux conséquences délétères. Elle a pris le risque de laisser un certain confort pour se mettre au service du bien commun qu’est la nature.
J’ai travaillé dans une école primaire au Bénin, j’ai tenu une classe de CP en trinôme avec un volontaire béninois d’une vingtaine d’années. Ce jeune homme a passé sa scolarité sous la menace de la chicotte, et par le fait, il reproduisait ce schéma. De mon côté, je m’en suis tenue à ma méthode faite de mise en confiance des enfants. Grâce à cette rencontre, ce travail en commun, ces échanges, nous avons fait évoluer nos pratiques. Et au final, le jeune homme a été très heureux de constater qu’il était possible de tenir une classe dans un climat apaisé.
Quelques mots également de ces ateliers d’apprentissage du français auxquels participent des personnes d’une douzaine de nationalités réunies dans un esprit de tolérance. J’y ai vu de belles collaborations entre un Afghan et une Guinéenne, entre une Texane et une Erythréenne, pour ne citer que ces exemples…Il semble qu’il y ait une manière pacifiée d’aborder les sujets délicats auxquels nous sommes confrontés de manière universelle. La paix se construit ici dans un climat de respect et de confiance.
Au travers de ces quelques histoires, parmi d’autres, dont celles présentées par mes camarades, ce que je constate, c’est que de manière individuelle ou collective et à différents niveaux, de nombreux jeunes oeuvrent pour la paix. Leur action est peu relayée et pourtant elle existe ! Il nous reste à fédérer toutes ces initiatives et prises de conscience en un mouvement d’ampleur ! »
Sandra Rouleau, titulaire d’un diplôme de… par mouvementdelapaix
Myriam Dessaivre, étudiante en Master « Peace Studies »
« Avant de vous parler plus spécifiquement de ce master, je vais commencer par une citation qui décrit assez bien les enjeux d’une éducation à la paix. Certains d’entre vous doivent certainement la connaître : “Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix.” Extraite du préambule de l’acte constitutif de l’UNESCO, cette phrase montre la nécessité, l’importance capitale que revêt l’éducation aujourd’hui.
Parce que je ne suis pas de celles et ceux qui estiment, comme le dit l’adage, que si l’on veut la paix, on doit préparer la guerre, j’ai choisi de suivre un Master en Etudes de Paix, que l’on peut suivre à l’université de Paris Dauphine.
Ce master est dirigé par une Turque et un Grec, et cette première aime à nous rappeler que même si leurs nations respectives ne sont pas forcément amies, ils ont quand même réussi à se réunir pour collaborer dans la perspective de ce master, un master en études de Paix.
Donc. Créé par deux informaticiens, ce master nous forme à tout ce qui gravite autour des problématiques de paix. Ilfournit une formation utile pour la gestion des crises, la prévention de la violence, la construction de la paix et la compréhension des conflits. En première année, on a notamment pu avoir des cours sur la Culture et la philosophie de la paix, mener à bien des projets de gestion et transformation de conflit (en prenant des conflits géopolitiques réels, comme exemple), mieux maîtriser le droit international, ou encore la théorie de la décision.
La deuxième année, complète (parce que la spécialisation en première année s’effectue au 2nd semestre) nous permet une connaissance plus accrue relatives à la construction de paix : gestion de crise, droit et logistique humanitaire, statebuilding, droit pénal international…
A terme, c’est un parcours qui peut nous permettre d’intégrer des organisations internationales, des ONG ou bien, moyennant une part non négligeable de travail supplémentaire, le milieu de la diplomatie ou de la politique.
En ce qui me concerne, avant j’ai fait une licence de communication et d’information à Toulouse, mais n’étant plus attirée par le milieu journalistique, j’ai peu à peu développé un intérêt pour la résolution de conflits, ce qui s’est notamment matérialisé à travers la réalisation d’un mémoire de fin de licence sur le thème : « l’Etat colombien et les FARC : vers une possible réconciliation ? ». C’est un sujet qui m’a véritablement passionné, et travailler dessus responsabilise énormément à mon sens. J’étais partie du postulat qu’il ne faut pas voir ce conflit d’une façon manichéenne, du genre « Les FARC sont des terroristes qui terrorisent tout le monde. Le gouvernement a raison. » – ce n’est jamais comme cela que ça se passe dans les conflits.
Le Master Peace Studies m’a donc attiré, pour me permettre d’avoir un bagage pédagogique assez complet sur les conflits et leur résolution, domaine vers lequel je souhaite me diriger à l’avenir.
Je sais que les autres étudiants de la promo ne viennent pas forcément du même background que moi, mais d’une manière assez unanime, on s’est trouvés séduits par la possibilité d’un master en études de la paix, comme une alternative à ce qui est dispensé, mais qui tourne souvent autour des problématiques pures et dures d’économie, de finance, de droit etc. La richesse des disciplines dispensées et le professionnalisme des intervenants nous donnent une envie certaine de découvrir plus avant des disciplines jusque là peu connues d’entre nous.
C’est l’un des seuls masters de ce type dispensé en France. Il existe des masters similaires, dans les pays anglo-saxons, en Espagne (chaire de l’UNESCO), en Italie, à Pise (qui est une des universités partenaires du parcours)… Il y a même Angelina Jolie qui assure un cours sur « Les femmes, la paix et la sécurité » à la London School of Economics. Nous n’avons donc qu’à bien nous tenir !
Actuellement, c’est notre période de stage et certains en profitent pour faire une année de césure, possibilité que nous offre ce master. Beaucoup d’entre nous le font dans des ONG (Orphelins Sida, personnellement je le fais à Sidaction, Croix-Rouge), mais d’autres ont rejoint le milieu gouvernemental (ministère de la Défense ou des Affaires Internationales).
Personnellement, j’ai l’impression qu’il y a une tendance grandissante de notre génération à vouloir promouvoir la paix. Puis je pense que les réseaux sociaux aident aussi à cette tendance : non seulement en raison de la profusion de bad news, mais on remarque quand même un essor d’une sorte de « solidarité mondiale ». L’indignation face aux horreurs actuelles (attentats terroristes, guerres au Moyen-Orient, famine) se transmet instantanément sur les réseaux sociaux, et on se retrouve directement touchés par ces nouvelles, allant même jusqu’à se dire « Quand est-ce que moi, je vais y passer ? » C’est pour ça que ça ne m’étonne pas que l’on soit de plus en plus nombreux à vouloir se diriger vers des métiers de paix, peut-être simplement pour se donner les moyens de vivre dans un monde meilleur. »
Myriam Dessaivre, étudiante en Master Affaires… par mouvementdelapaix
Hawa Dème, ex-présidente de l’Association des étudiants maliens en France
« Jusqu’en 2012, la Paix était pour moi un sujet abstrait. Cette année-là, on s’est réveillés un matin et notre pays était envahi par des personnes au nom d’un « djihad » qui s’étaient installé de façon violente dans le nord. Cela a été un traumatisme pour ces populations et pour notre société.
Bien qu’engagé depuis mes 12 ans sur d’autres thématiques, 2012 a marqué mon éveil à la culture de la paix. Avec d’autres jeunes, nous avons alors créé le mouvement « International hope week » dont l’ambition est de réunir d’autres jeunes du continent afin de pour partager nos expériences et de favoriser le vivre ensemble. L’ambition était de nous rencontrer et d’échanger car la haine nait de la méconnaissance.
En 2015, j’ai été sélectionnée au Forum mondial paix et sécurité à Amman en Jordanie, avec plus de 10.000 jeunes venus de tous les continents qui ont participé à la déclaration d’Amman.
Celle-ci porte sur 4 thématiques concernant l’engagement des jeunes dans les processus de paix et leur prise en compte dans les décisions politiques :
- Les jeunes doivent participer aux processus de paix et de sécurité et en être leaders
- Les jeunes peuvent prévenir les violences et construire la Paix
- L’égalité des sexes doit être respectée
- Les jeunes ont un rôle socio-économique à jouer
Rappelons que la jeunesse représente 70% de la population africaine. Dans les conflits, les jeunes sont soit les acteurs, soit les victimes. Ce Forum a été l’opportunité de montrer que nous voulons aussi être acteurs de la paix.
Nous avons écouté des témoignages émouvants et édifiants de jeunes engagés dans la paix. Cela a été un moment très important. Nous avons évoqué la construction et la prévention de paix par les jeunes. Chacun faisait part de son témoignage. Plus de 6 millions de jeunes vivent dans des zones de conflits, ou très défavorisées dans l’accès à l’eau, au travail, aux études. Très souvent un jeune qui s’engage dans un conflit volontairement est en échec économique. Cela ne signifie pas que tout jeune chômeur est un terroriste en puissance, mais que lorsqu’un jeune qui s’attend à un avenir meilleur grâce aux études ne l’a pas, il se créé chez lui une frustration et très rapidement ces jeunes vont être enrôlés par des extrémistes qui utilisent ces frustrations.
La Résolution 2205 des Nations Unies sur ces thématiques « Jeunes, paix et sécurité » est très forte et c’est l’une des premières fois que l’ONU prend ce sujet à bras le corps. Certes, il y a une certaine hypocrisie de la part des membres du Conseil de sécurité qui comptent parmi eux les plus gros marchands d’armes au monde, mais le fait est qu’ils se saisissent du sujet révèle malgré tout son importance. Le reconnaître cela nous permettra aussi de légitimer nos actions sur le terrain.
Nos actions nous obligent et obligent les politiques à travailler avec nous. Nous appuyer sur cette résolution nous permet de nous rapprocher de nos états et cela nous donne plus de poids pour avancer dans ce combat pour la Paix.
Le travail continue au niveau de l’ONU où il y a un représentant des jeunes qui fait un travail phénoménal sur le terrain et dans les commissions onusiennes.
Cela nous encourage à continuer. Les actes qu’on pose contribuent à changer le quotidien. Ainsi, récemment, au Mali, le ministère de l’éducation nationale a décidé d’ajouter un volet sur l’Éducation à al culture de la paix dans les manuels scolaires. Avant 2012, on n’était pas du tout dans cette problématique, tout allait bien. Ce sujet s’est imposé à nous et l’école est au cœur de l’apprentissage de ce vivre-ensemble. »
Intervention de Hawa Dème, ex-présidente de l… par mouvementdelapaix
Basile H., représentant fédéral des Jeunes Socialistes
« Au Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), nous avons un secrétaire national à la jeunesse et un autre à la Paix. C’est donc un domaine qui a son importance chez nous.
Pour ma part, je vais parler de culture de paix au niveau national même si nous défendons la reconnaissance par la France de l’État de Palestine et que nous militons aussi pour la reconnaissance des responsabilités de la France dans les exactions génocidaires au Rwanda. Ceci n’est forcément un débat facile à aborder au sein du Parti socialiste, car celui-ci était au pouvoir en 1993. Mais le MJS est indépendant de la direction du PS, et il nous arrive de porter des avis différents sur des sujets de société. Surtout en ce moment…
Notre constat est qu’à un an de l’élection présidentielle on best face à une société crispée, et une crise démocratique à à peu près à tous les niveaux avec la Loi Travail, le clivage droite/gauche qui manque de clarté, et un débat identitaire qui a remplacé le débat social avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la montée de l’extrême-droite et les discriminations que cela entraine.
Chez les jeunes socialistes, nous préparons une campagne pour le 2 juillet intitulée « Ma République c’est l’égalité » avec des élus comme Anne Hidalgo et Christiane Taubira notamment. Nous partons sur le constat que la société n’est pas malade de son identité mais de son déficit d’égalité.
Nous avons des responsables politiques qui emploient le terme de République à tout bout de champ, ce qui est honorable, mais la République elle doit d’abord se faire vivre au quotidien. Notamment contre toute forme de discrimination. Notre organisation ouvrira ainsi pour 2017 un large débat pour la mise en place d’attestation de contrôle d’identité afin de lutter contre délit de faciès. Il avait été repoussé par Manuel Valls lorsque celui-ci était ministre de l’intérieur mais nous entendons bien rouvrir ce dossier pour l’élection présidentielle. Autre proposition : la mise en place d’un paasseport et d’un parcours d’autonomie pour les jeunes afin de replacer le social et l’avenir des jeunes au cœur des futurs débats de 2017 ».
Fabian Ardila, association Palenque
« L’Association Palenque a comme objectif développer et promouvoir les rencontres entre la France et l’Amérique Latine, dans tous les domaines et les expressions de la culture, de la solidarité, de l’échange , de l’insertion, de l’économie, de la formation et de la promotion des droits de l’Homme, et en participant aux actions et aux activités dans un contexte artistique, culturel et linguistique, social et économique, éducatif ou environnemental.
Palenque, créée en juin 2002 par des réfugiés politiques, était à l’origine une association dont l’objectif était de favoriser l’insertion sociale, économique et culturelle des ressortissants de pays latino américains et plus particulièrement de la Colombie. En 2005, Palenque a décidé de mettre en place une épicerie sociale “la tienda”, en collaboration avec la banque alimentaire, pour favoriser l’accès à l’alimentation de personnes en grande précarité économique. Palenque a mené pendant trois ans de nombreuses actions culturelles (organisations de spectacles, cours de danse, dégustations de plats typiques) mais aussi des activités sociales pour accompagner les migrants dans leurs démarches administratives et lutter contre l’exclusion.
Nous souhaitons renforcer les liens humains qui sont à la base des conflits nationaux et internationaux. Pour un Colombien comme moi qui n’a pas quitté son pays pour des raisons politiques mais pour les études, ou un réfugié politique, au fil des années on se sent malgré tout déracinés. On est loin de notre culture et de ce qui donne du sens à nous-mêmes ; les situations sont difficiles. C’est pour ça que, nous semble t-il, les relations humaines sont importantes. Elles pour atténuent ces problématiques. Personnellement, je suis juste venu en France pour les études uniquement et, au fil du temps, j’ai découvert ma propre situation.
Le 14 mai à Lyon, nous avons réalisé une initiative pour essayer de parler d’une éducation pour la Paix. Cet atelier a surgit d’un contexte particulier en Colombie. En ce moment, il y a des négociations politiques de Ppaix entre les Farc (groupe de rebelles marxistes, NDLR) et le gouvernement. Mais ces négociations excluent le peuple ! Aussi nous nous sommes posé cette question : quelle est notre participation, nous Colombiens, dans cette négociation ? Si moi, Fabian Ardila qui ne suit pas un militant politique, je souffre d’en être exclu alors j’imagine le ressentiment pour des militants impliqués !
Cette journée a regroupé des gens de divers origines et divers milieux pour réfléchir à pourquoi la société civile est exclue et comment on peut construire la paix.
Un de ces ateliers, intitulé « éducation à la paix », a réunit des personnes qui ne sont pas des acteurs directs du processus de paix. Nous avons alors réfléchit à quelle est notre notion de paix et de violence ? Quelle est la réflexion personnelle de chacun à ce sujet ? On a ainsi évoqué toutes les violences, y compris celles de voisinage. Si je ne suis pas en mesure de résoudre un conflit avec mon voisin, comment un état peut-il le faire après une guerre civile qui dure depuis 50 ans ? On a utilisé une technique indigène qui consiste en un cercle de parole et l’utilisation d’un totem pour celui qui veut parler. Ne peut parler que la personne qui a le totem. Cela permet d’être dans l’écoute et donc de réfléchir quelle sont les moyens au niveau macro de résoudre les conflits afin de voir si cela est possible à un niveau national, comme au Guatemala ou au Nicaragua qui, lui, a utilisé un autre processus pour parvenir à la paix sans passer par la violence. Ce qui nous intéressait c’était de relier le conflit personnelle et local avec une problématique national.
Nous n’avons pas de solution toute faite pour instaurer la paix dans le monde mais chaque initiative est importante. »
Xavier Dossou, président de l’association Sud-Ensemble
« L’association « Sud Ensemble » est née en 2009 en partant de cette interrogation : Que pouvons-nous apporter au monde ? Pour nous la paix n’est pas un vain mot, c’est avant tout un comportement. A partir de là nous avons décidé de créer une structure pour venir en aide concrètement, avec des projets qui améliorent le quotidien. Pourquoi « Sud ensemble » ? Parce que les besoins dans le sud sont plus important qu’ici. Nous avons débuté avec es petits moyens, puis la sollicitation d’aides diverses nous ont permis d’organiser des rassemblements divers comme des repas festifs, et de récupérer de l’argent.
En 2011 nous nous sommes rapprochés du Bénin pour étudier les besoins des populations. Nous sommes rendus dans la province à Lokossa, chef-lieu du Mono dans le sud du pays, près du Togo.
Là-bas, nous nous sommes rendus compte que des enfants faisaient 6 à 12 km à pieds pour venir à l’école, et que cela favorisait leur découragement et l’abandon de leurs études.
Notre idée première était d’acheter un bus pour le ramassage mais nous avons été confrontés à plusieurs problèmes et notamment une infrastructure routière inexistante. Aussi avons-nous réorienté notre projet en achetant 66 vélos auprès des partenaires locaux pour les enfants les plus éloignés, et un arc à vélos dans le collège.
Notre ambition était de suivre ce projet sur deux ans afin de mesurer l’impact sur l’absentéisme. Si certains ont malgré tout abandonné, il y en a eu moins et le niveau des classes a augmenté.
A la fin on a évalué l’impact sur ces enfants. Nous avons aussi travaillé sur des constructions de latrines et d’adduction d’eau dans le collège. Nous avons tout réalisé à partir de leurs besoins, de l’étude à la réalisation.
En 2013, notre second projet, en Birmanie nous a permis de mobiliser des fonds pour, là aussi, doter les enfants d’un village de 60 vélos. Mais nous avons aussi pu construire des modules de classes en dur, faire confectionner 260 uniformes sur place, et construire un château d’eau pour doter le collège d’eau potable.
Pour ces deux projets, à chaque fois, notre objectif était de les réaliser sans utiliser un seul objet de l’occident, et en utilisant toutes ressources sur place : vélos, mécaniciens,…C’est ainsi que s’exprime notre conception à la Culture de la Paix car ce sont les contrastes sociaux au sein de chaque pays qui dérangent la stabilité de la Paix. »
Amadis Guillorel-Obregon, étudiant en agronomie
« Ingénieur agronome, je pense qu’il y a beaucoup de liens entre le développement de la paix et les problématiques environnementales, notamment rurales. Revenant du Brésil, je peux rendre compte de certaines constations qui font prendre conscience que notre manière de consommer est assez violente pour l’environnement.
Par exemple, la France importe beaucoup de porcs du Brésil. Il faut savoir que le cochon est élevé avec du soja. Pour récupérer les terres d’indigènes, des épandages de pesticides ont été effectués afin qu’ils quittent leurs territoires ! Trois paysans sans terre qui s’opposait aux industriels ont été tués et c’est près de 136 personnes en Amérique Latine qui ont été assassinées pour les mêmes raisons.
Avoir conscience de la valeur de nos actes de consommation est un moyen aussi de travailler à une culture de paix. La transformation vient certainement plus de nos actes personnels d’achats que des dirigeants politiques. Il est important de faire attention. »
Amadis Guillorel-Obregon, élève ingénieur en… par mouvementdelapaix
Lucien Badjoko, auteur de « J’étais enfant soldat »* :
« A douze ans j’ai été enrôlé comme enfant soldat dans l’armée de Laurent-Désiré Kabila et j’ai participé à la lutte contre Mobutu en 1997. Donc la notion de paix, n’est pas celle qui a bercé ma jeunesse…
Lorsque j’ai quitté le Congo je me suis dit : « Tu vas vivre ailleurs, loin du bruit des bottes et de l’odeur des balles. » En arrivant en France, avec le temps, je me suis rendu compte que la notion de paix est vaste, qu’elle ne concerne pas que la guerre.
Dans ce pays où je pensais que régnait la Paix, j’ai rencontré d’autres jeunes qui n’étaient pas en paix. Ni avec eux-mêmes, ni avec la société et celle-ci n’était pas non plus en paix avec eux. Je me suis posé des questions en me disant moi qui rêvais d’une paix absolue en France, est-ce que cette idée est une illusion, ou est-ce que c’est moi qui n’ai pas compris ce que je voulais.
Je suis allé à l’école, j’ai lu sur ces notions de paix et je me suis rendu compte que chacun, en fonction de sa position, de sa culture, de son éducation vit la paix autrement. Cependant j’ai fini par définir la paix comme une notion d’équilibre et d’harmonie les uns avec les autres, de nous avec notre conscient et notre inconscient.
Mais alors comment construire cette paix qui semble utopique ? Je me suis mis à discuter avec des jeunes autour de moi. J’ai compris que pour comprendre ce qu’était la Paix, il fallait commencer par définir la violence, puis la notion de « guerre ».
Ensuite, chacun peut comprendre comment d’une situation personnelle conflictuelle on peut d’abord la construire la paix en soi, avec soi-même, puis avec son voisin et ainsi de suite. Si on n’est pas en paix avec soi-même, comment être en paix avec les autres ? Idem pour la société. Si une société n’est pas en paix avec sa jeunesse, comment la jeunesse peut-elle être en paix avec cette société ?
La Paix est une notion très large. J’ai fini par me dire que, finalement, tout se construit avec la paix. Dans toutes les grandes guerres, même les plus destructrices, les plus meurtrières qui soient les gens ont fini par se parler. Aucune guerre ne s’est terminée par les armes quelques soient les puissances qui s’affrontaient ! A un moment ou à un autre les gens finissent par s’asseoir et à dire : « J’accepte que vous êtes fort, j’accepte que je suis faible ; vous acceptez que vous êtes fort, vous acceptez que vous êtes faible, mais nous déposons les armes pour vivre en harmonie entre nous ».
Pour moi donc, le meilleur moyen de faire la paix est de se parler… »
*« J’ai été enfant soldat », édition Plon
Retrouvez une interview de Lucien Badjoko dans l’émission de Thierry Ardisson du 19 juin 2014 : https://www.youtube.com/watch?v=nuWcXdP_DOo
Bandiougou Kourouma, « Plus jamais ça Mali »
« Tout être qui a de l’espace a tendance à l’occuper. La nature a horreur du vide comme dit l’adage. Avec quoi, sui et comment, cela est la grande question…aujourd’hui on se rend compte que les mouvements de personnes causés par les guerres sont néfastes pour les pays qui les subissent, mais aussi pour les pays dont sont originaires ces réfugiés ou ces migrants.
Un matin, au Mali on s’est réveillés avec la suspicion que le voisin pouvait venir vous égorger. On a découvert qu’il y avait un Mali du Nord et un Mali du Sud. Pour moi, il n’y avait que la fédération du Mali dont faisait d’ailleurs partie le Sénégal et la Guinée. Ces cultures si diverses se sont rencontrées et cohabitaient sans problème. Qu’est-ce qui est arrivé ?
Lorsqu’il y a eu le coup d’état, nous étions jeunes entrepreneurs, étudiants, etcaetera et on s’est retrouvés face à des violences physiques et verbales importantes et il nous fallait réagir. Heureusement les réseaux sociaux étaient là. Ils nous ont permis de nous organiser en tant que citoyens et nous avons pu nous réunir à à la bourse du travail. On peut critiquer les syndicats ou les associations mais ce sont les premiers à défendre nos droits ! Jaurès a préparé la paix en temps de paix, pas en temps de guerre !
A côté du mouvement « Y’en a marre » on a donc créé le mouvement « Plus jamais ça Mali » : Plus jamais les militaires au pouvoir ! Notre lutte a toujours été pacifique et du coup le gouvernement ne pouvait rien nous reprocher. On a réuni des gens autour de nous, on a libéré la parole et on a incité les autres mouvements à créer un collectif, on avait même un conseil des ministres parallèle et on travaillait plus dans le concret au niveau local. Il y a même eu des débats contradictoires entre nous pour trouver les choses les plus pertinentes.
Nous nous sommes intéressés aux causes profondes et la paupérisation est apparue comme la source. Les religions ne sont pas des problèmes, ce sont les hommes qui les pratiquent le problème ! Nous ne sommes que des hommes. Dès qu’on a été en contact avec l’autre on prend une part de lui. Le tout est de se dire qu’est-ce que je prends de cette personne ?
La France a toujours accueilli des réfugiés. La France est un pays multiculturel et cosmopolite. Elle s’est construite ainsi. On parle des Africains, mais ça ne veut rien dire. Au Mali, il y a 44 ethnies et 66 langues, vous imaginez ? L’Afrique n’est pas un pays, il ne faut pas généraliser : chacun a son histoire, ses spécificités.
On est des hommes, on a chacun notre histoire et il est impératif de remettre l’humain au centre de la société ».
Bandiougou Kourouma, “Plus jamais ça Mali” par mouvementdelapaix
Jimmy Annet, Collectif pas de salon de l’armement à Paris
« Mon avis sur l’engagement pacifiste en 2016. Être pacifiste c’est être optimiste. C’est penser que l’Homme vaut mieux que la guerre, et qu’il est possible d’accéder au bonheur sans que cela soit au dépend des autres. On reproche aux pacifistes leurs « bons sentiments », je crois qu’il faut les revendiquer, on a des bons sentiments et on aime ça ! On souhaite la vie, la nôtre et celle des autres.
Être pacifiste c’est refuser la simplicité de la guerre. Il est peut-être utopique de penser que l’on peut résoudre les problèmes du monde pacifiquement, mais pas plus que de penser que l’on peut les résoudre par la violence. Entre deux utopies, je choisis celle qui me pousse à penser et à comprendre plutôt que celle qui me pousser à tuer et à mourir.
Être pacifiste c’est un plaisir c’est un plaisir et c’est important, car comme toutes les militantismes il doit parfois se confronter à l’échec (pas toujours, heureusement !), et c’est dans ce plaisir que l’on puise la volonté de persévérer. Le pacifisme a cet avantage de permettre à la fois d’embellir la société et d’enrichir les personnes qui le portent.
Quels sont les nouvelles luttes pacifistes à mener ? Il y en a beaucoup, quelques idées rapidement :
- Dénoncer la militarisation des relations internationales : où est la diplomatie ? Il faut de nouveaux argumentaires contre la (non) pensée belliqueuse dominante.
- Dénoncer la militarisation de la société civile : campagnes de recrutement et mythe de l’armée = formation qualifiante, financement des universités par les entreprises d’armement, assimilation de toute contestation à la figure de l’ennemi…
- Dénoncer le commerce des armes : rôle de la France comme producteur et exportateur d’armes, et comme promoteur du commerce des armes (comme le salon Eurosatory).
- Travailler sur les problèmes posés par les nouveaux types d’armement : drones, mythe de la guerre propre, frontière de plus en floue entre les armes civiles et militaires…
- Reconstruire une histoire du pacifisme qui soit utile aux luttes d’aujourd’hui.
Il faut montrer en quoi le pacifisme est un prisme original pour analyser les problèmes du monde et les solutions qu’il peut apporter pour améliorer la société. »
Marzia Ronconi, étudiante en Master Urgence Humanitaire
2ème plénière : Quelle(s) politique(s) de la France et de l’Union européenne pour la Paix ?
Modérateur : Raoul Alonso
Intervenants :
- Bruno Drweski, Maitre de Conférences Habilité à diriger les recherches à l’INALCO, écrivain
- Alain Rouy, membre du bureau national du Mouvement de la Paix
- Francis Wurtz, Député honoraire GUE-NGL du Parlement européen
Les interventions des invités
Débat sur la situation géo-politique en Europe avec F. Wurtz et B. Drweski (1)
Débat sur la situation géo-politique en Europe… par mouvementdelapaix
Débat sur la situation géo-politique en Europe avec F. Wurtz et B. Drweski (2)
Francis Wurtz et Bruno Drewski analysent la… par mouvementdelapaix
Débat sur la situation géo-politique en Europe avec F. Wurtz et B. Drweski (3)
Francis Wurtz et Bruno Drewski analysent la… par mouvementdelapaix
3ème plénière : Rencontre avec la délégation du Mouvement de la Paix des Grands Lacs
La délégation du Mouvement de la paix des… par mouvementdelapaix
La vie quotidienne à Goma (Mali)