Appel aux autorités françaises à favoriser la paix au Haut-Karabakh

Les forces armées azéries ont déclenché le 27 septembre 2020 une offensive militaire contre la république autoproclamée du Haut-Karabakh, actuellement connue sous le nom de République d’Artsakh, région peuplée d’Arméniens et rattachée à l’Azerbaïdjan par Staline, de facto indépendante depuis 1991, mais non reconnue officiellement par la communauté internationale. Les combats ont été d’une ampleur inédite depuis la guerre de 1991-1994. Ces six semaines de guerre ont causé plusieurs milliers de morts, principalement côté arménien, dont les forces ont enregistré défaite sur défaite, cédant une grande partie du territoire du Haut-Karabakh, berceau historique qui faisait partie du royaume d’Arménie au IVème siècle avant JC. Le Mouvement de la Paix déplore que le « Groupe de Minsk » créé dès 1992 et  co-présidé par les États-Unis, la France et la Russie sous les auspices de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ait failli à sa tâche de favoriser la résolution pacifique et négociée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan du conflit les opposant sur le Haut-Karabakh. Les 28 années perdues et l’intervention d’un nouvel acteur, la Turquie de Erdogan, ont conduit à la désastreuse situation actuelle.

Dans ces conditions, le Mouvement de la Paix se félicite de l’accord signé le 10 novembre 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide de la Russie, qui permet l’arrêt des combats particulièrement meurtriers. Cet accord prévoit que les Azéris prennent le contrôle officiel des territoires conquis en figeant la ligne de front. Les Arméniens conservent le contrôle de Stepanakert, capitale du Haut-Karabakh, et la sécurisation du corridor de Lachin, le tout sous la protection d’une force militaire russe de 1 960 militaires, 90 blindés et 380 véhicules. Ces forces russes de maintien de la paix seront déployées le long de la ligne de contact, c’est-à-dire sur l’ensemble du front arméno-azerbaïdjanais. Si la république autoproclamée du Haut-Karabakh continue d’exister, son territoire se trouve considérablement réduit, avec le passage sous contrôle azéri de la seconde ville, Choucha, pourtant considérée comme l’un des berceaux historiques de l’Arménie. L’Azerbaïdjan reprend aussi le contrôle du glacis sécuritaire mis en place par les Arméniens autour du Haut-Karabakh depuis près de 30 ans, à savoir les districts de Jebraïl, Fouzili, Kalbajar, Aghdam et Lachin. La situation tactique a largement tourné à l’avantage des Azéris.

De sérieuses inquiétudes existent sur le sort du patrimoine historique, religieux et culturel arménien qui passe sous contrôle azéri – avec l’accord de cessez-le-feu, plusieurs monastères de l’église apostolique arménienne, dont celui millénaire de Dadivank, vont se retrouver dans une zone contrôlée par l’Azerbaïdjan. Mais la plus grande incertitude concerne le retour des réfugiés Arméniens. En effet, près de 150 000 civils ont fui le Haut-Karabakh pour se réfugier en Arménie, ce qui représente l’intégralité des civils. Si le retour des habitants de Stepanakert est acté, qu’adviendra-t-il notamment des civils Arméniens qui aspirent à retrouver leurs maisons et leurs terres passées sous contrôle azéri ? L’accord prévoit que le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU organisera le retour des réfugiés et des populations déplacées par le conflit. Un échange de prisonniers et de corps des victimes doit aussi avoir lieu. Enfin, l’Arménie s’engage à permettre un transit sans encombre entre l’Azerbaïdjan et son enclave du Nakhitchevan, séparée du reste du pays et située au sud-ouest de l’Arménie.

Cet accord du 10 novembre instaure une paix très fragile qui repose uniquement sur la capacité de la  Russie à assurer la sécurité du Haut-Karabakh et qui restera fortement liée au retour ou non des réfugiés. La communauté internationale ne peut, ni ne doit accepter d’entériner le nettoyage ethnique total de la région par les Azéris. Le Mouvement de la Paix demande que la France intervienne à l’ONU pour exiger une enquête sur l’utilisation par l’armée azérie d’un grand nombre d’armes non autorisées par les conventions de Genève, comme des armes à sous-munitions et des attaques au phosphore, extrêmement destructeur. Le Mouvement de la Paix appelle particulièrement les autorités françaises à peser de tout leur poids diplomatique sur l’Azerbaïdjan afin de favoriser la paix, le retour des réfugiés arméniens au Haut-Karabakh et la protection du patrimoine arménien passé sous contrôle azéri.

A plus long terme, l’établissement d’une paix durable dans cette région suppose comme partout dans le monde que soit respecté le droit international et tout particulièrement les quatre principes suivants que défend le Mouvement de la Paix :

  • l’interdiction du recours à la force pour régler des conflits
  • l’intangibilité des frontières reconnues internationalement et leur inviolabilité, toute modification n’étant envisageable que par la négociation entre les pays concernés
  • le recours à l’ONU comme seul garant international de la paix, éventuellement en déployant des forces de rétablissement ou de maintien de la paix, sous drapeau ONU ou sous mandat expressément délivré à un ou plusieurs pays
  • le respect de la diversité culturelle, linguistique et cultuelle des peuples et la nécessité de préserver les patrimoines culturels et historiques.

Le Mouvement de la Paix appelle le gouvernement français à prendre toutes ses responsabilités pour agir en ce sens et contribuer à la paix.

A Paris, le 17 novembre 2020

Le Mouvement de la Paix

 

Voir cette déclaration en PDF

Facebooktwittermail

6 pensees sur “Appel aux autorités françaises à favoriser la paix au Haut-Karabakh

  1. Il faut éviter des centaines voire des milliers de morts.
    Tous les conflits, au final, se règlent autour d’une table de négociation.

  2. les guerres déshonorent l’humanité;il faut prendre d’autres moyen s que de joies avec la PAIX

  3. Votre appel a-t-il émoustillé le président, qui veut parlementer maintenant que c’est trop tard ?
    La sauvegarde d’éléments du patrimoine était un argument des arméniens pour riposter puissamment ; hélas, ils n’en avaient pas les moyens. Leur victoire écrasante il y a trente ans, suivie d’ailleurs d’une épuration pas si aimable, a cette fois été acquise par les azéris + turcs + mercenaires etc. Les azéris prennent leur revanche, et à mon avis ne respecteront guère les monuments ennemis, alors que les artsakhiens eux-mêmes ont brûlé des villages avant de les fuir.
    La responsabilité de l’occident est importante dans cette triste affaire, et celle de l’ONU bien déficiente, aussi.
    Les pontes de l’OTAN ont-ils préféré ne pas empiéter sur les plates-bandes ni d’Ankara, ni de Moscou en calmant les haines ? Pourquoi n’ont-ils surtout pas privilégié la négociation préalable, via groupe de Minsk ou auprès du président arménien, auquel Bakou proposait un arrangement finalement ignoré ? Le chaos leur convient-il donc, où ils ne trouvent que prétexte à blâmer stérilement ?
    Espérons en la capacité des forces russes de maintien de la paix à geler durablement et apaiser le conflit. Quant à la France, je ne crois pas qu’elle sache intervenir à bon escient dans le délicat contexte, fût-ce pour chapitrer les utilisateurs d’armes odieuses ou pour sauver une église : trop tard.

  4. Derrière ce conflit pour le contrôle du territoire du haut Karabagh, où la présence et la culture arménienne sont très présentes, il y a en filigrame le génocide arménien perpétré par les turcs. Les azéris sont d’ailleurs appelés par les arméniens “les turcs”. Dans le conflit récent, le soutien de la Turquie d’Erdogan a accentué encore ce ressenti des arméniens.
    Avant l’explosion de l’URSS, il y avait libre circulation des azéris et des arméniens d’un pays à l’autre. Quand le conflit du Haut Karabagh a débuté en 1988, en Arménie, la chasse aux azéris (“turques “) a eu lieu, menée par des milices. De nombreux meurtres de populations civiles azéries ont été commis à ce moment là en Arménie. Puis plus tard, la chasse a continué pour détecter et pourrir la vie des personnes issues de couple mixtes azéris-arméniens, qui ont du sang “turc” dans les veines. Elle n’ont eu d’autre choix que de fuir le pays. Certainement la même chose s’est passée et se passe encore en Azerbaïdjan.
    Ce nationalisme est détestable.
    Les générauxc” glorieux” qui ont permis à l’Arménie de récupérer entre 1988 et 1994 le Haut Karabagh se sont comportés ensuite en Arménie comme des oligarques régnant sur des régions qu’ils se sont octroyées, à côté des oligarques civils. Le peuple arménien a souffert de cette corruption généralisée.
    Récemment, le nouveau premier ministre Papinian, remplaçant Sarguessian détesté par le peuple arménien, a voulu remettre de l’ordre dans ces affaires.
    Il a eu pour cela son heure de soutien du peuple arménien.
    En 2020, l’Azerbaïdjan a voulu prendre sa revanche, et recuperer le Haut Karabagh que Staline lui avait octroyé. Il a réussi en partie Et les signataires de l’accord de paix du côté arménien, Papinian , est maintenant détesté par le peule arménien, miné par le nationalisme. Les militaires vont ils prendre leur revanche?

  5. Précision
    Dans mon commentaire ci-dessus, j’ai écrit “hélas, ils n’en avaient pas les moyens”.
    Or, l’immense colère en Arménie contre le président Pachinian est alimentée par sa très mauvaise gestion de cette guerre. Au regard des tragiques erreurs diplomatiques, logistiques et militaires de la part des arméniens lors du conflit, j’aurais dû écrire “ils n’en ont pas eu les moyens”.
    Vue d’ici, l’absence de soutien euro-US à leur allié de Erevan est d’autant plus inquiétante rétrospectivement que l’on voit un responsable européen s’activer (?) vainement après la bataille. Que fera E. Macron de nos relations avec une Turquie si active en Mer Egée, en Méditerranée (Libye, Chypre !) et sur ses marches orientales ? Voilà un partenaire au sein de l’OTAN qui a lui aussi des vengeances à prendre, et son armée de plus en plus puissante est équipée par tous les côtés.
    Après les kurdes et les arméniens, l’empire sacrifiera-t-il les européens ? Brrr.

  6. La paix heureusement conclue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan prouve qu’il n’est point besoin d’une intervention étrangère armée pour mettre fin aux combats.
    Quand à la haine opposant les Azéris aux Arméniens (depuis le IVème siècle si j”en crois l’article relatant un royaume d’Arménie de l’époque protochrétienne) je vous parlerai d’une petite expérience vécue chez moi il y a 7 ou 8 ans. Un artisan venu pour quelque travaux aperçoit un calendrier russe que j’avais ramené d’un voyage sur le transsibérien : Ah! le lac Baïkal fit-il. Non il n’y était jamais allé mais arménien il avait fuit la guerre des années 90 pour venir en France. Il m’expliqua qu’arménien il vivait dans l’Azerbaïdjan et que non iles rapports entre les nationalités azéries et arméniennes étaient normales mais comme il me l’assura cette guerre était due aux dirigeants politiques des deux pays.
    Une petite rectification à propos de Staline : oui le Haut karabakh faisait partie de l’Azerbaîdjan mais en tant que territoire autonome doté d’un soviet (élu) de nationalité arménienne garantissant les droits de celle ci en matière d’enseignement de la langue notamment. Au demeurant la circulation des populations entre les deux pays était libre puisque échappant à toute concurrence ou domination économiques d’une République sur l’autre (exemple l’Azerbaïdjan avait des ressources énergétiques en pétrole mais l’Arménie était dotée la centrale nucléaire de Léninakian).
    Cordialement
    Jean-Louis Caubin

Répondre à Pierrot Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.