Vue de l’extérieur: l’AIEA pourrait donner plus de temps à l’Iran, World Peace Herald, 17 octobre 2005
Par Pyotr Goncharov
L’Iran sera-t-il déféré devant le Conseil de Sécurité de l’ONU comme la récente résolution du conseil des gouverneurs de l’AIEA le laisse entendre?
Plus vraisemblablement, au cours de sa prochaine réunion en novembre, le conseil donnera pour je la ne sais combien de fois une chance supplémentaire de parvenir à un compromis avec la communauté internationale sur son programme nucléaire. L’AIEA et les trois pays européens (Grande-Bretagne, France, Allemagne, connus comme le UE3), et peut-être d’autres pays, prendront part aux négociations au nom de la communauté internationale. En tout cas, ce sera l’option la plus raisonnable pour plusieures raisons.
A une récente session, 22 des 34 membres du conseil des gouverneurs de l’AIEA ont voté pour déférer le dossier nucléaire iranien devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, étant donné que les négociations entre l’Iran et l’UE3 sont sur le point d’échouer. Avec quelques réserves, on peut dire qu’il y avait 22 Occidentaux contre 12 pro-iraniens.
La réunion a été immédiatement suivie par une rotation des 10 membres non-permanents du conseil. Par conséquent, la faction des “pro-iraniens” sera sans doute plus forte à la prochaine session. Les 5 Occidentaux évidents seront remplacés par seulement 3 qui voteront probablement pour envoyer le dossier iranien devant le Conseil de Sécurité : la Grèce, la Norvège et la Slovénie. Quant aux 7 nouveaux membres, la Biélorussie, Cuba et la Syrie sont manifestement pro-Iraniens, tandis que l’Egypte, l’Indonésie, la Colombie et la Libye restent neutres. L’alignement peut aboutir à 17 contre 17 si la Lybie, qui a sacrifé son programme nucléaire pour Washington, ne vote pas pour.
La majorité ne soutiendra vraisemblablement pas l’Iran. Néanmoins, pour Vladimir Yevseyev, un expert pour le Centre Carnegie de Mouscou, le nouvel alignement aura un effet sur l’atmosphere générale des débats. De plus, beaucoup dépendra de la position prise par la Russie et la Chine.
A la dernière réunion du conseil, la Russie et la Chine se sont abstenu de voter, alors que pendant la discussion ils se sont opposés très énergiquement au défèrement devant le Conseil de Sécurité. Yevseyev a qualifié leur neutralité de petite concession faite à l’Union Européenne et aux Etats-Unis, qui ont fait beaucoup pour parvenir à un consensus avec Beijing et Moscou sur le problème iranien.
La résolution de l’AIEA dit que le dossier iranien sera soumis au Conseil de Sécurité seulement si l’Iran opte pour un cycle complet de combustion nucléaire. C’est une réserve importante. De plus, bien que de nombreux Européens insistent pour amener l’Iran devant les Nations-Unies sans délai, la résolution n’a pas encore fixé de date spécifique. C’est une autre concession évidente à la Russie et à la Chine.
Si la Russie et la Chine continuent d’insister à dire que l’AIEA et l’Iran n’ont pas épuisé encore toutes les opportunités de coopération, d’autres membres du conseil qui ont voté “pour” à la réunion précédente changeront sans doute de position. En tout cas, il y a matière à dire que la France peut rejoindre la position de la Russie et de la Chine.
Le directeur général de l’AIEA, Mohamed El Baradei a déclaré récemment à Moscou que l’Iran a une chance d’éviter les sanctions du Conseil de Sécurité s’il coopère avec l’AIEA pour résoudre les questions non encore résolues. El Baradei a ajouté que l’AIEA voulait trouver une solution pacifique à la question iranienne, et qu’il était tout naturel que tout le monde parle du besoin de reprendre les négociations entre l’Europe et l’Iran. Il a cité les chefs iraniens qui disent que l’Iran est prêt à coopérer avec l’AIEA. Et plus important encore, maintenant qu’El Baradei a reçu le prix Nobel de la Paix, ses mots ont plus de poids.
Téhéran a déjà fait des pas en avant en déclarant qu’il laisse la porte ouverte à un retour à la table des négociations. Comme d’habitude, il a émis un certain nombre de réserves.
Est-ce que l’Ouest les acceptera? Maintenant, la balle est dans le camp de l’UE3
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(Pyotr Goncharov est commentateur politique pour l’agence de presse RIA Novosti).


