11 novembre 2005
Se percutent 3 évènements que je voudrais mettre en rapport.
Le premier est la fièvre qui a saisi les rues de nos villes ces derniers jours, le deuxième évènement se produit au même moment mais semble moins médiatique, c’est le vote du budget de la nation, et le troisième s’est produit il y a 80 ans mais il marque encore les esprits et les places de tous nos villages, c’est la guerre de 14-18.
Des évènements graves se sont produits dans les rues de nos villes, et si nous condamnons les actes de violence, ici comme ailleurs, nous ne confondrons pas les symptômes et la maladie.
La société française est malade, à l’image d’un monde qui tourne à l’envers : les tensions s’aggravent et les inégalités se creusent. L’insécurité est le moteur d’un système, où l’on met d’autant plus les gens en concurrence qu’il n’y aurait pas de place pour tout le monde.
Cette insécurité sociale dans laquelle vivent et grandissent des des enfants et des jeunes, illustre l’échec de notre société à accomplir les missions républicaines. Mépris, arbitraire et injustice ne constituent pas une politique, ils dressent des impasses où s’engouffre la violence.
Mais cela est l’objet de choix politiques et sociaux, de choix humains, sur lesquels nous pouvons peser.
Ce qui m’amène au deuxième évènement : le vote cette semaine du budget de l’état. Quel dommage que les médias n’est pas insisté sur les 47,3 milliards d’euros accordés à la défense, qu’ils aurait pu dans un élan civique comparé à d’autres budgets, celui de la Ville et du Logement 7 milliards seulement. Ce sont là des choix financiers, mais aussi des choix politiques et humains.
La répression et la guerre ne sont pas des modes efficaces et durables de gestion des conflits. On ne construit pas le bonheur de quelques-uns sur le malheur de tous les autres. Et la sécurité est collective où elle n’est pas.
Comment accepter qu’à la demande de justice, d’égalité, il soit répondu charter, prison, ou « nouveau missile » ?
Construire la paix a dit le Bureau national dans un communiqué est bien plus difficile que faire la guerre, mais c’est le seul choix acceptable, humainement, socialement, économiquement. La paix n’est pas l’absence de conflits, ni à l’opposé l’incapacité de faire la guerre. Elle implique de renoncer volontairement à utiliser la force armée, parce que d’autres solutions sont plus efficaces et plus durables. L’imagination semble manquer aux (ir)responsables politiques qui jouent le jeu dangereux de l’anathème et de la division.
Chers amis, ce 11 novembre célèbre aussi la fin de la terrible boucherie de 14-18. Cette guerre atroce a donné naissance à un grand courant populaire d’action pour la paix, illustrée par l’Arac, d’Henri Barbusse, qui s’était donné pour mission de faire la guerre à la guerre. Il y eut hélas d’autres Verdun, le 20ème siècle, a été celui des massacres à grande échelle, des ethnocides et des génocides et de l’invention des armes de destruction massive. C’est qu’on ne se libère pas comme ça de la guerre, on ne guérit pas de cette maladie mortelle pour l’humanité avec des tisanes.
80 ans après, nous continuons la guerre à la guerre avec d’autres mots sous d’autres formes.
Des murs qui semblaient infranchissables sont tombés : nous savons aujourd’hui que la guerre n’est pas inéluctable, nous avons appris avec certitude qu’elle n’est pas un attribut génétique et je parle sous le contrôle d’un grand savant. Si les guerres et les violences ne sont pas des phénomènes naturels on peut donc les empêcher, comprendre leurs causes et agir avant quelles ne se produisent.
Lors de son précédent congrès à Marseille en nov 2002, les militants du Mouvement de la paix se sont engagés à « cultiver la paix du quartier à la planète », parce que nous sommes persuadés que construire la paix ne se fera pas d’en haut, que cette élaboration part de chacun d’entre nous pour devenir construction collective et projet de civilisation. Et c’est l’esprit de la décennie pour une culture de la paix et de la non violence qu’a décrété l’Onu en l’an 2000 et dans laquelle nous sommes engagés.
Mais il nous faut donner sens et vigueur à cette construction pour que d’autres, très nombreux, puissent nous rejoindre.
Depuis notre congrès de Marseille, bien des évènements se sont produits et si la face du monde n’a pas été transformée, des caps ont été franchis.
La disqualification du dogme libéral comme mode de développement durable, s’est encore accentuée. Même de farouches partisans comme l’ex-président de la Banque mondiale Joseph Stiglitz, appelle à un retour de l’état. Il fustige les excès de la mondialisation dont le 11 septembre 2001, dit-il, a révélé « une des faces sombre : le terrorisme dont les racines sont complexes, mais auquel le désespoir et le chômage massif qui règne dans tant de pays du monde offre un terreau fertile. »
La contestation de ce système injuste, terreau fertile de tant de violences, s’est manifestée à de nombreuses reprises.
Les sommets de Davos sont désormais éclipsés par l’ampleur des Forums sociaux, les rencontres de l’OMC et celles du G8 sont contraintes de se tenir au sommet des montagnes, sur des iles imprenables ou au coeur du désert, mais même là les militants viennent et des gouvernements refusent d’entrer dans les combines. Le Mouvement de la paix s’est engagé dans ce mouvement pour un autre monde, nous avons travaillé à méler la lutte pour la paix aux autres luttes sociales, a faire le lien avec le développement, droits humains, droits des femmes, démocratie, le désarmement, tous les domaines d’actions qui forgent une culture de paix et nous avons contribué à ce que d’autres mouvements de paix y participent.
Nos liens avec les acteurs de paix du monde se sont beaucoup développés, c’est ensemble avec nos amis des mouvements de paix Européens que nous avons réfléchis à ce que devrait être une Europe utile à la paix du monde. A l’aune de ces débats nous avons mis en lumière les dangers d’une constitution qui s’appuyait sur une par trop militaire de la sécurité, la situation nouvelle créée par le vote négatif de la France et des Pays-Bas au référundum ouvre un espace que nous devons mettre à profit.
Les européens et le monde ont besoin que l’Europe mette son poids économique et politique dans un projet de grande envergure : celui de préparer le monde à accueillir les générations futures dans des conditions dignes du 3eme millénaire : les moyens existent, il nous faut créer les majorités qui les opéreront ces choix !
Mais nous ne partons pas de rien, un évènement sans précédent a marqué ces dernières années, celle de l’irruption massive sur la scène internationale des opinions publiques pour la paix. Le président des Etats-Unis avait joué à fond la carte de la manipulation, du mensonge et de la peur. Cette guerre contre l’Irak il la voulait, et malheureusement nous l’avons eu, mais retenons le sens et la puissance de la mobilisation contre cette guerre. Un débat fondamental pour notre futur s’est ouvert : le droit de la force contre la force du droit les peuples ont donné leur opinion le 15 février 2003, le NY Times a dit a cette occasion que la deuxième superpuissance était née.
Dans son livre Daniel Durand demandait « Irak qui a gagné ? » C’est la bonne question.
En réalité, les Etats-Unis ont perdu cette guerre avant de commencer parce que la force comme méthode de gestion des RI a été disqualifiée. Des milliers de morts plus loin, souffrances et destruction comprises, la bataille de l’opinion publique est définitivement perdue, elle l’est aussi aux Etats Unis.
Des millions de gens ont à cette occasion appris le sens des mots Onu, Conseil de sécurité, inspections de l’Aiea. Ils ont vu en direct se faire l’histoire, avec ces chaos, ces contradictions, et ils en ont été les acteurs. Un débat a pris corps avec au centre des enjeux la démocratisation des relations internationales. Pas un débat d’experts, mais un débat où se retrouvent des milliers d’ONG qui mobilise de plus en plus de citoyens.
Le Sommet de l’ONU, en septembre à l’occasion du 60eme anniversaire a mobilisé comme jamais, le droit international progresse, un nombre croissant de pays se dégagent de la tutelle coloniale, les citoyens se mobilisent partout pour leurs droits universels. Certes, les obstacles sont puissants mais la guerre froide est derrière nous,
et c’est toute une conception du monde qui est en train de se modifier.
Ces dernières années ont vu revenir au premier plan, un spectre qu’on espèrait relégué à la guerre froide, celui des AN.
Bush a convaincu ces compatriotes d’aller en Irak après avoir décrit le champignon atomique qui ornerait Manhattan si les armes de Saddam prêtes au tir en 4 heures pouvaient y parvenir. Le même Bush a modifié la doctrine nucléaire US, permettant d’utiliser des armes nucléaires de manière préventive contre des pays non nucléaires. Les processus multilatéraux de désarmement sont en panne et les tensions sont telles que nous nous sommes réjoui avec raison du fait que le TNP n’est pas volé en éclat.
Mais évidemment nous ne pouvons nous en satisfaire.
Le Mvt a mis toute son énergie a relancer la mobilisation contre l’arme nucléaire
avec le lancement d’une Campagne nationale qui a commené à remobiliser l’opinion. L’envoi de 130 personnes à Hiroshima et Nagasaki illustre cet élan nouveau pour le désarmement et nous allons poursuivre cet effort
Les tensions s’exacerbent, les écarts se creusent. Des régimes durs et l’absence d’alternatives politiques sur fond de crise du développement ont encouragé la croissance d’un fascisme qui se prétend religieux. L’ennemi est alors la femme, le mécréant, et toutes les formes que peut prendre un démocrate. Ailleurs c’est l’étranger, l’ethnie voisine que l’on désigne à la vindicte.
Du fait même de cette tension entre un système dont l’insécurité est le moteur et l’aspiration qui s’amplifie à vivre véritablement en sécurité, les questions que posent les pacifistes, l’aspiration à construire partout et pour tous la paix et la sécurité se trouvent au cur du mouvement divers et planétaire qui cherche à construire ” un autre monde possible”.
Dans cette période de l’histoire où notre espace commun est désormais planétaire, les pacifistes que nous sommes portent ces questions essentielles :comment “vivre ensemble” du quartier à planète, sur quelles bases, selon quelles valeurs et quels principes? Comment rendre les guerres impossibles? Combattre “à la racine” les causes complexes des violences ?
C’est bien une autre culture entre les humains et avec la nature qui est en jeu. Passer d’une culture des dominations, de la loi du plus fort, de la concurrence et de l’exploitation, à une culture de la coopération et du dialogue, du respect de la nature et de la diversité des cultures, de la résolution pacifique des conflits, de la promotion des droits et de la participation de tous au développement endogène et durable des sociétés…
Passer d’une culture de la guerre encore dominante à cette culture de la paix portée par des siècles de lutte des humains vers leur épanouissement et dont le monde à un urgent besoin.


