Le 9 mai dernier, nos amis havrais réussissaient à empêcher un chargement d’armes françaises destinées à être utilisées au Yemen.
Un exemple à suivre.
- Comment avez-vous réussi à faire reculer le cargo saoudien venu charger des armes françaises au Havre ?
C’est une réussite collective en plusieurs étapes :
– Tout d’abord, l’enquête de Disclose sur le Yémen, la publication dans la presse de documents confidentiels du Renseignement Militaire Français qui viennent confirmer ce que 10 ONG humanitaires et des droits de l’homme dénoncent depuis des mois, à savoir que des équipements militaires français achetés par l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis sont engagés dans la guerre au Yémen avec un risque élevé de leur utilisation dans des attaques illégales contre des populations civiles.
– Ensuite, notre député communiste de Seine Maritime, Jean Paul Lecoq interpelle la Ministre des armées Florence Parly à l’Assemblée Nationale qui assure qu’il n’y a aucun risque puisque les équipements français ne seraient utilisés qu’à des fins défensives.
– Le 4 mai, le cargo saoudien « Bahri Yanbu » doit charger à Anvers en Belgique. La Ligue des Droits Humains et la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD) demande d’urgence vendredi à leur ministre des Finances et à leur administrateur général des Douanes, d’empêcher l’exportation de matériel qui ferait l’objet de licences dont la validité serait suspendue compte tenu du conflit qui a cours au Yémen.
– Le 6 mai, le cargo « Bahri Yanbu » battant pavillon saoudien de la compagnie maritime nationale saoudienne est attendu dans le port du Havre le 8 ou 9 mai. Il pourrait embarquer plusieurs pièces d’artillerie, on parle de 8 canons Caesar.
– Le 7 mai, après plusieurs coups de fils, nous décidons (le Mouvement de la Paix et la Ligue des Droits de l’Homme) d’organiser un rassemblement.
La presse locale France 3 – Baie de Seine, France bleue nous contactent pour un interview le lendemain le 8 mai.
Le rassemblement est fixé au jeudi 9 mai à 18h00 à l’écluse François 1er, lieu le plus proche du quai où doit accoster le cargo.
– Nous avons relayé l’information sur tout notre réseau associatif, syndical, politique.
Environ 150 personnes sont venues à l’écluse François 1er. Les médias locaux et nationaux étaient présents. Les dockers refuseront de charger le matériel militaire puisqu’il ne répond pas aux critères fixés par l’article 6 du Traité du Commerce des Armes.
– Le gouvernement français est embarrassé car contrairement aux assurances qui sont faites, il n’a aucune certitude sur l’utilisation qui est faite des armes françaises.
– Le 10 mai, le cargo « Bahri Yanbu » n’entrera pas dans le port du Havre, il repart sans son chargement vers le port de Santander en Espagne.
- Quelles leçons peut-on en tirer pour l’avenir, pour obtenir des résultats concrets ailleurs, que ce soit sur les ventes d’armes comme sur d’autres campagnes ?
Dans cette action, tous les acteurs ont joué leur rôle :
– Les ONG dont l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) et Ammesty International avec le rapport détaillé du cabinet Ancile établissant l’illégalité de ces ventes d’armes, contraires à tous les principes énoncés dans le Traité du Commerce des Armes. (Dans sa déclaration du 7 avril et son communiqué de presse du 22 avril le Mouvement de la Paix national en avait fait écho).
– Le travail d’investigation de Disclose et de plusieurs autres médias qui ont permis d’avoir une source d’information officielle.
– Les politiques qui ont interpellé les Ministres à l’Assemblée Nationale et au Sénat.
– Nous, au Havre, le Mouvement de la Paix, la Ligue des Droits de l’Homme, les associations, les organisations syndicales et politiques, les dockers havrais, les citoyennes, les citoyens…nous nous sommes mobilisés rapidement pour protester contre ce chargement d’armes. Il faut dire que le fait de travailler en collectifs au Havre nous a permis de tisser un réseau, ce qui facilite la communication et favorise la mobilisation.
Cette action au Havre s’est poursuivie à Gênes en Italie, à Marseille….c’est concret, c’est médiatique, il y a une adhésion de la population, des jeunes étudiants : au Havre, ils étaient une quinzaine avec des slogans….très pertinents…
- Quelles sont les activités du comité du Mouvement de la Paix du Havre, et comment travaille t-il avec les autres organisations ?
Depuis plusieurs années, nous avons tissé des liens avec les associations et organisations havraises. Nous avons l’habitude de travailler en collectif : nucléaire, Syrie, pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple, pour la journée internationale de la paix, le cercle du silence, la solidarité internationale…..Nous avons donc des contacts réguliers avec Femmes Solidaires, un Camion citerne pour les Sahraouis, la Ligue des Droits de l’Homme, Amnesty International, la Libre Pensée, l’ARAC, l’Association Havraise de Soutien à tous les Immigrés (AHSETI)…, avec plusieurs syndicats, avec plusieurs organisations politiques.
Nous essayons d’avoir des contacts avec les jeunes en participant à des rencontres avec l’IUT du Havre, le lycée Porte Océane mais pour l’instant, nous n’avons pas encore créé de lien « durable ».
L’année dernière nous avions été sollicités par deux professeures d’une classe de première du lycée Jules Siegfried pour faire « une présentation du Mouvement de la Paix » et une « rencontre avec des réfugiés Syriens du Havre». Un petit film a été réalisé qui devait être présenté au Forum 2018 de la Paix en Normandie mais malheureusement, au dernier moment, cela n’a pas été possible…
Marie-Claire Jegaden et Claude Nicolas
Comité du Havre du Mouvement de la Paix
Le 2 juin 2019



Bravo pour ce beau partage de pratiques associatives.
Vous étiez présents et vous avez fait face.
Nous vous savons gré de votre solidarité
Pierre Dijon