Planète Paix n°501 -Culture de la paix : libération des camps… Voyage d’étude au camp de Auschwitz Bikerneau

 

 

 

 

Culture de la paix

 

 

 

 

 

 

 

Libération des camps… Voyage d’étude au camp de Auschwitz Bikerneau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est en partenariat avec la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et l’Académie de Paris, qu’un voyage d’étude, regroupant une centaine de professeurs de tous âges et de toute matière (pas seulement les historiens !) et 4 accompagnateurs membres de la fondation, a eu lieu le 31 janvier 2005, quelques jours après les commémorations officielles du 60 ème anniversaire de la libération du camp.

Cette formation réservée aux enseignants sur le thème « Ecritures de la mémoire : guerres et paix » a pour but de conduire des professeurs volontaires sur les lieux symboliques des deux dernières guerres. D’abord Verdun, pour prendre mieux conscience de ce qu’a été le gâchis en vies humaines de cette guerre de tranchée, puis Oradour-sur-Glane qui nous confronte directement à la barbarie nazie (préméditation de l’opération, choix délibéré du lieu, stratégie étudiée du massacre des civils) et enfin, le camp d’extermination Auschwitz-Birkenau. À chaque lieu, sa spécificité et son caractère unique pour mieux comprendre ce qui fait que les hommes font des massacres et pour mieux lutter contre.

Que peut-on apprendre de plus que l’on ne sait déjà, lorsque l’on se rend à Auschwitz ? Me revient en mémoire l’avertissement de Ruth Krüger(1)  :  « Qu’est-ce que le camp en tant que lieu ? Localité, paysage ? Bien souvent ces lieux passent sous silence autant d’informations qu’ils en communiquent. » Certes, ce n’est pas un lieu qui se « visite » comme un site touristique. Ni comme un mémorial à visée pédagogique, à l’instar de celui de Caen par exemple. Y va-t-on alors pour se recueillir, retrouver des fantômes et faire comme si l’on pouvait, l’espace de quelques heures, vivre dans sa chair les souffrances qu’ont vécues des centaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes ? Mais l’organisation de la journée ne laisse que peu de temps à l’émotion personnelle.

Dans les cars qui nous conduisent au camp, des guides polonais retracent l’histoire de la Pologne et font l’historique des relations des Juifs et des Polonais depuis le Moyen-âge. Je remarque qu’à aucun moment, les mots « pogroms » ou « antisémitisme (2)  » ne sont prononcés. Nous arrivons à Birkenau sous la lumière blafarde de la neige. Tout est blanc, glacé. Le vent souffle en bourrasques, rendant plus irréelle encore cette réalité impossible que nous essayions de retrouver. L’entrée du camp, les barbelés, les baraquements construits pour les chevaux, et plus loin, les traces des chambres à gaz et des crématoires. Nous circulons d’un point à l’autre, nous piétinons, nous glissons, nous avons froid, nous sentons la fatigue peser, mais qui oserait se plaindre ? Plus loin, à l’intérieur du baraquement en briques consacré à la « désinfection » et aux douches, une exposition de photos. Des centaines de photos, certaines avec des noms et des dates, d’autres sans. Que faire de tous ces visages ? Nous n’avons pas le temps de tous les regarder, mais nous ne nous sentons pas le droit de passer sans les voir, chacun dans leur singularité. L’angoisse du groupe est palpable qui va en toute hâte d’un panneau à l’autre. Je fixe le portrait d’une jeune femme. Elle est rayonnante. Elle tient un bébé dans les bras. Elle sourit de ce sourire de satisfaction qu’ont toutes les jeunes mères. Elle paraît à peine sortie de l’enfance. Je m’arrête et lui rends son sourire. Ce sera elle, pour toutes les autres, sa photo pour toutes les photos devant lesquelles je passe en détournant les yeux. La partie pour le tout. Un lieu, un nom, un seul, Auschwitz, pour les centaines de milliers de noms de ceux qui y ont été exterminés.

Avant de quitter Birkenau pour nous rendre dans le camp d’Auschwitz1, nous nous recueillons quelques instants devant le monument dressé à cet effet. Sur la rampe, au bout de ces rails qui ne mènent nulle part, « où ceux qui arrivent ne sont jamais arrivés, où ceux qui sont partis ne sont jamais revenus (3)», flottent encore quelques gerbes de fleurs, laissées par les politiques, quelques jours auparavant. Que leur rassemblement en ce lieu puisse faire comprendre qu’un génocide n’est pas qu’une technique de guerre et qu’œuvrer pour la paix c’est aussi instaurer une politique de prévention des génocides.

Danièle Huber

(1) in Refus de témoigner Viviane Hamy 2003.

(2) Lire à ce sujet Guérir de l’antisémitisme Gérard Huber Le serpent à plumes 2005.

(3) Charlotte Delbo in Aucun de nous ne reviendra , Gonthier, 1965.

 

 

 

 

 

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