A Paris, le vendredi 14 janvier 2022
Monsieur le président de République,
Comme beaucoup de Français, nous aurions souhaité que votre prise de fonction en tant que Président de l’union européenne soit marquée par un geste politique fort en faveur de la paix, des droits humains et de la justice sociale.
Face au défi climatique et à la crise sanitaire, nous aurions apprécié que vous fassiez un sommet des ministres de la recherche, des ministres de l’éducation de l’enseignement supérieur, des ministres de la santé pour affirmer la nécessité au plan de l’union européenne – en élargissant aux autres Etats membres du conseil de l’Europe – de travailler à des coopérations utiles et nécessaires pour faire face à ces défis qui menacent l’avenir de l’humanité et assombrissent l’avenir pour les jeunesses des pays européens et du monde.
La guerre en Afghanistan a abouti à redonner le pouvoir à ceux que la France et l’Otan prétendaient combattre, la guerre d’Irak a fait 800 000 victimes et détruit totalement cet Etat, la guerre en Libye – en violation des résolutions des Nations Unies – a conduit à l’extension des intégrismes violents à travers toute la région subsaharienne.
Déjà, à la fin de la seconde guerre mondiale, les peuples avaient compris que la guerre n’était pas la solution et avaient, tant à l’Est qu’à l’Ouest, soutenu la création des Nations Unies. C’est la voie de la raison. Il faut revenir aux fondamentaux de la charte des Nations Unies.
En réunissant à Brest début janvier les ministres de la défense et les ministres des affaires étrangères et en associant à cette démarche le secrétaire général de l’OTAN, vous avez au contraire décidé d’inscrire délibérément votre Présidence sous le signe de la militarisation de l’Europe et de la construction d’une Europe puissance. Ainsi, vous ne donnez pas la priorité à la coopération en général à l’échelle de l’Europe géographique, voir au-delà, avec les pays d’Asie comme la Chine. Pourtant, en matière de dérèglement climatique, vous n’êtes pas sans savoir que, quand la Chine produit 100 unités de GES, 48 concernent ses propres besoins et 52 ceux des pays qui comme la France, importent beaucoup de produits de Chine, suite à de nombreuses délocalisations, profitant des écarts de rémunération et de niveaux de vie des salariés.
Nous pensons au contraire que, face aux problèmes qui se posent aujourd’hui, les solutions ne peuvent être que politiques et diplomatiques et sûrement pas militaires.
Face aux défis climatiques, sanitaires, ou économique la solution, n’est pas dans un processus de surenchère militaire, ni la compétition tous azimuts dans tous les domaines – y compris militaire – mais dans la mise en œuvre pleine et entière de la Charte des nations Unies et dans l’application du droit international en ce qui concerne le désarmement.
L’heure est au rassemblement de l’humanité toute entière à travers la mise en place de coopérations dans tous les domaines. L’UE doit prendre des initiatives marquantes pour s’engager dans cette direction au lieu de rester enfermée dans le double carcan d’un néolibéralisme destructeur des solidarités sociales et humaines et le carcan de la militarisation qui se traduit par une augmentation incessante et dangereuse des dépenses militaires boostée par notre dépendance à l’Otan à travers l’article 42 du Traité de Lisbonne. C’est ce que disent tous les prix Nobel qui demandent la diminution des dépenses militaires dans le monde et c’est aussi ce que demandent les scientifiques qui dans divers appels tirent la sonnette d’alarme sur les deux dangers majeurs auxquels est confrontée l’humanité, à savoir le réchauffement anthropique du climat et les armes nucléaires.
Aux défis ci-dessus s’ajoutent le poids des dépenses militaires : 2 000 milliards de dollars chaque année au plan mondial, les inégalités de développement.
Il y a urgence à changer de cap. C’est pourquoi, nous demandons que la France et l’Union Européenne s’engagent résolument dans des politiques de paix caractérisées par une diminution des dépenses d’armement et l’augmentation corrélative des investissements en faveur de la construction de la paix via la réalisation des droits humains.
Nous attendons de vous-même et des élus.e.s français.e.s et européen.ne.s qu’ils agissent pour une Union Européenne et s’engagent vraiment pour la paix, le climat, le désarmement nucléaire, la justice sociale, les droits humains et un accueil digne pour les migrants qui fuient les guerres et la misère.
Nous souhaitons que vous et votre gouvernement agissiez pour que l’UE prenne des initiatives dans les directions suivantes :
- Agir pour la justice sociale en s’alignant sur les législations les droits sociaux les plus avancés.
- Fonder sa diplomatie sur la prévention et la résolution non militaire des conflits.
- Agir conformément à la charte des Nations Unies et aux principes de la culture de la paix définie par l’ONU.
- S’engager pour le désarmement, en particulier nucléaire, en appelant à la ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires adopté à l’ONU le 7 juillet 2007 et entré en vigueur en janvier 2021 comme premier pas vers un monde débarrassé des armes nucléaires.
- Agir pour la limitation et la fin du commerce des armes, pour l’arrêt des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis qui tuent des innocents au Yémen.
- Pour la défense des traités internationaux de désarmement et leur ratification.
- Favoriser la conversion d’une partie des budgets militaires en fonds pour le développement durable, juste et équitable et s’engager résolument dans la lutte contre le dérèglement climatique.
- Réorienter les 13 milliards du fonds européen de défense (dont 7 milliards pour les industriels de l’armement et 3,5 milliards pour la recherche et développement militaire) vers une politique en faveur de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) et le développement de programmes Erasmus et de mobilité internationale des jeunes.
- Lutter contre les discriminations et favoriser le respect de la diversité linguistique et culturelle, la promotion des droits des femmes comme antidote à la montée des politiques xénophobes, racistes qui mettent en cause les droits humains en particulier les droits des migrants et des réfugiés sous la pression des forces d’extrême droite.
- Construire une sécurité commune reposant sur des mesures de confiance et des échanges mutuellement avantageux. L’union européenne devrait ainsi mettre à son agenda une conférence paneuropéenne de type Helsinki 1975, associant tous les Etats de l’Europe géographique y compris la Russie en s’appuyant sur l’esprit qui a prévalu alors tout en l’adaptant à la situation actuelle ;
- Soutenir la création au sein du GIEC d’un groupe de travail consacré aux conséquences des activités militaires sur le climat comme cela a été proposé lors de la Cop 26.
Veuillez agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de notre haute considération.
A Paris, le 14 janvier 2022
Le Mouvement de la Paix
Collectif régional des organisations membres du collectif national des marches pour la Paix
Collectif des 11 comités locaux du Mouvement de la Paix en Bretagne
Voir cette Lettre ouverte en PDF