Deuxième réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires: lettre ouverte au Président Emmanuel Macron et au 1er ministre Rishi Sunak

Le 21 novembre 2023

Lettre ouverte à Monsieur Emmanuel Macron
Président de la République
Rue du Faubourg St Honoré
75008 Paris

à Monsieur Rishi Sunak MP,
Premier Ministre
10 Downing Street
London SW1A 2AS

Concerne : Deuxième réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires

Monsieur le Président de la République
Monsieur le Premier ministre

Nous vous écrivons au nom d’organisations en France et au Royaume-Uni, issues d’horizons divers, mais toutes profondément préoccupées par la prolifération et le développement continus des armes nucléaires dans un monde de plus en plus polarisé et fragmenté.

Nous avons salué l’adoption et l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN-TPNW), qui a désormais été signé par près de la moitié des pays de la planète. Nous sommes convaincus que ce traité représente la meilleure solution à long terme aux dangers présentés par les armes nucléaires.

En revanche, nous notons que 53 ans après son entrée en vigueur, le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), malgré ses objectifs déclarés, n’a abouti à aucune mesure de désarmement unilatéral ou multilatéral. Bien au contraire, nous constatons une augmentation du nombre d’États possédant l’arme nucléaire et du niveau de risque, comme en témoignent aujourd’hui la guerre en cours en Ukraine et l’escalade du conflit au Moyen-Orient. L’échec des Conférences d’examen des États parties au TNP en 2015 puis en 2022 illustre la situation actuelle de stagnation, voire pire.

Nous sommes conscients que la France et le Royaume-Uni ont tous les deux déclaré publiquement leur opposition au TIAN et que, pas plus tard qu’en mars 2023, dans une déclaration conjointe des dirigeants des deux pays, vous avez réaffirmé cette opposition, présentée comme une position commune. Nous vous invitons à reconsidérer cette position. Notre conviction est que la majorité des citoyens français et britanniques soutiennent l’engagement de nos pays dans le processus du TIAN (1).

Nous sommes convaincus que, parmi les neuf États disposant de l’arme nucléaire, la France et le Royaume Uni sont de loin les mieux placés pour initier une dynamique de désarmement, un désarmement dont l’humanité a tant besoin, et qui permettrait d’utiliser les ressources et l’énergie de nos pays pour relever les vrais défis auxquels nous devons faire face : la pauvreté et l’exclusion, le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Ces ressources, cette énergie sont actuellement accaparées par le maintien et le développement d’arsenaux nucléaires dont la possession et l’utilisation pourraient avoir des conséquences catastrophiques.

Dans cette optique, nous vous demandons solennellement d’envoyer des représentants pour observer les débats de la deuxième réunion des États parties au TIAN, à New York du 27 novembre au 1er décembre.

La participation à la réunion en tant qu’observateurs non signataires donnerait aux gouvernements de nos deux pays l’occasion d’écouter, de comprendre et de répondre aux questions soulevées par les États engagés dans le processus.

En particulier, cette participation serait l’occasion de réparer les dommages historiques et actuels causés par les essais nucléaires effectués par les deux pays. Comme vous le savez très certainement, les articles 6 et 7 du TIAN établissent le premier cadre juridique international permettant à la question de ce préjudice d’être résolue.

Le 27 octobre 2023, le Royaume-Uni et la France sont deux des quatre États à avoir voté contre une résolution déposée par le Kazakhstan et par les îles Kiribati, intitulée « Faire face à l’héritage des armes nucléaires : fournir une assistance aux victimes et des mesures correctives environnementales aux États
membres touchés par l’utilisation d’armes nucléaires ou par des essais nucléaires
». Le Royaume-Uni et la France se sont ainsi rangés aux côtés de la Russie et de la Corée du Nord, les seuls autres États à avoir voté contre la résolution.

L’envoi d’observateurs à la réunion des États parties serait un pas en avant vers la reconnaissance de la responsabilité des deux pays en tant que pays dotés d’armes nucléaires, et vers la prise en compte des conséquences de leurs programmes d’essais nucléaires.

Respectueusement vôtres,
Andrew Jackson, Chief Executive of Pax Christi – England and Wales
Marian Pallister, Chair, Pax Christi Scotland
Kate Hudson, General Secretary, Campaign for Nuclear Disarmament (CND)
Marc Morgan, Trident Ploughshares
Mabon ap Gwynfor, Member of the Senedd (MS) for Dwyfor Meirionnydd, Chair of CND Cymru
Tim Devereux, Vice-Chair, Movement for the Abolition of War
Alison Lochead, Convener, Greenham Women are Everywhere
John Cooper, Director, Fellowship of Reconciliation (IFOR-UK)
Sue Claydon, Chair, Anglican Pacifist Fellowship
Simon Barrow, Director, Ekklesia
Alfonso Zardi, Délégué général de Pax Christi – France
Jean-Marie Collin, Directeur d’ICAN France
Michel Roy, Secrétaire général de la Commission Justice et Paix – France
Robert Simon, Commission internationale, Mouvement pour une Alternative Non-violente
Josette Gazzaniga et Augustin Nkundabashaka, co-présidents de la branche française du Mouvement International de la Réconciliation (MIR-IFOR)
Anne-Béatrice Scherrer, Porte-parole du Collectif Bourgogne-Franche-Comté pour l’abolition des armes nucléaires
Patrick Hubert, Porte-parole de la Communauté Mission de France
Denis Stienne, Coprésident, Abolition des Armes Nucléaires-Maison de Vigilance
Margarete Hiller, Responsable internationale de la Communauté de l’Arche – Non-violence et spiritualité
Khaled Gaiji, Président des Amis de la Terre – France
Roland Nivet, Porte-parole national du Mouvement de la Paix
Lydia Funck, Secrétaire générale de Church and Peace

 

1. En ce qui concerne la France, selon un sondage d’opinion IFOP du 4 juillet 2018 commandé par La Croix et le Mouvement de la Paix, 67 % des Français souhaitaient que la France s’engage dans la ratification du traité d’interdiction des armes nucléaires.
https://www.la-croix.com/France/Securite/Francais-contre-nucleaire-militaire-2018-07-04-1200952564
En ce qui concerne la Grande-Bretagne, un sondage national mené les 12 et 13 janvier 2021 pour le CND par Survation a montré que 59 % du public soutiennent l’adhésion du gouvernement britannique au TPNW ; et 77 % soutiennent une « interdiction totale de toutes les armes nucléaires à l’échelle mondiale ».
https://cnduk.org/nuclear-ban-poll-shows-majority-want-uk-to-sign-treaty/

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