Etats des lieux du désarmement nucléaire
Les actions citoyennes
Pierre Villard – Co-président du Mouvement de la Paix |
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a question des actions citoyennes, c’est-à-dire l’action des citoyens est essentielle. En même temps, elle n’est pas toujours facile à évaluer réellement.
Tout d’abord, je voudrais redire combien les gouvernements sont sensibles à la mobilisation des citoyens et qu’ils le sont particulièrement sur les questions de Paix, de défense nationale, de programmes d’armements. Dans le même temps, on ne peut pas dire que ces mêmes gouvernements déploient de gros efforts de débats et de transparence.
La paix, les politiques de défenses, les programmes d’équipements militaires sont éminemment politiques. Et même si nous sommes indépendants des partis et des gouvernements, nous intervenons dans un champ qui touche directement à la politique car il touche à l’appareil d’état.
Deuxième idée importante à prendre en compte, c’est que depuis la seconde guerre mondiale aucune avancée concrète de désarmement ne s’est faite sans la mobilisation des citoyens.
Hélène Langevin-Joliot nous a rappelé hier combien l’appel de Stockholm avait été essentiel pour empêcher une nouvelle utilisation de l’arme atomique par les Américains pendant la guerre de Corée. Plus près de nous, le premier accord de désarmement nucléaire de l’histoire entre les USA et l’URSS en 1987 a porté sur les missiles contre lesquels des millions de pacifistes s’étaient mobilisés dans les années 80.
En France, la fermeture du Centre d’Expérimentation du Pacifique est à mettre au compte de l’action des pacifistes, tout comme celle du plateau d’Albion, et le démantèlement des missiles Hadès.
Bien sûr le gouvernement français ne l’a pas dit comme cela c’est évident. Mais nous savons bien que sans nos mobilisations, ces équipements seraient toujours en service.
C’est d’ailleurs une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés : nos succès ne sont que rarement reconnus par les pouvoirs politiques. C’est à nous de les mesurer et de les valoriser. J’espère que ces journées vont nous permettre de le faire et de décider de nouvelles mobilisations pour éliminer définitivement les armes nucléaires.
Le danger de la prolifération tout azimut est là tant au niveau des états susceptibles de posséder l’arme nucléaire qu’au niveau du développement de nouvelles armes par les puissances. Je pense que nous devons faire partager cette situation à nos concitoyens qui dans leur grande majorité n’ont pas conscience de la gravité de la réalité.
L’année 2003 aura cependant servi d’électrochoc. La réalité des armes nucléaires, de leur existence, de leur dangerosité et de leur développement est revenu sur le devant de la scène publique de manière inattendue.
En justifiant la guerre préventive contre l’Irak par le prétexte de l’hypothétique détention d’armes de destruction massive par ce pays, les USA ont finalement replacé la question de l’élimination des armes nucléaires dans le débat, dans les débats. Je ne pense vraiment pas que l’objectif de Georges Bush était là, mais le fait est que plus de gens ont conscience semble-t-il du fait que le statu quo n’est pas acceptable et qu’il faut parvenir à l’élimination des armes nucléaires par la négociation et les traités internationaux.
Car force est de constater que les mobilisations en ce début de troisième millénaire ne sont pas à la hauteur. Les deux dernières décennies du 20ème siècle ont été des années de fortes mobilisations. Quand on en fait une synthèse la liste est longue et diverse. Les mouvements pacifistes qui organisent les JDN en ont été très souvent à l’initiative, ensemble ou séparément. Le « travailler ensemble » n’est pas toujours simple car chaque mouvement a sa propre histoire et sa propre vision des autres. Nous n’y échappons pas mais nous faisons de gros efforts pour y parvenir. Ces JDN, après celles de Saintes en 2001, sont là pour en attester et parions que nous saurons prouver que la diversité n’est pas obligatoirement l’adversité. Nous nous sommes très fréquemment retrouvés ensemble comme le 1er octobre 1992 pour lancer l’appel de Nanterre « Appel International » ou comme en 1995 au moment de la reprise des essais nucléaires pour la France. De l’automne 95 au printemps 96, nous avons réussi de fortes mobilisations qui ont eu pour résultats la fermeture du CEP et d’Albion notamment.
On peut se demander si les Français ne vivent pas encore dans cet esprit, c’est-à-dire dans l’esprit d’une France qui ne fait plus d’essais et qui a fermé ces installations ? Je pense que cela explique les difficultés de mobilisations depuis 1996. Pourtant, la France continue la modernisation de ses équipements militaires. Le budget 2004 envisage une nouvelle hausse de 10% des crédits de recherche et d’équipement ce que dénonce lappel pour la réduction du budget militaire que nous vous invitons à signer pendant les JDN.
Albion, Suippes, Taverny, Gremat, Valdus, Istres autant de lieux où se réfléchit et se construit la politique nucléaire de la France, autant de lieux où les pacifistes se sont mobilisés et continuent à le faire. Ainsi de nombreuses manifestations ont été organisées à l’Ile Longue (18 000 personnes en 1995) et au BARP (près de Bordeaux) lieu qui accueille le projet Laser Mégajoule pour les essais nucléaires en laboratoire.
Nous devons nous féliciter qu’à l’occasion de diverses initiatives et manifestations comme l’Ile Longue ou le BARP en France, mais aussi au Royaume-Uni ou encore au Névada aux USA les militants pacifistes aient eu la volonté d’agir au-delà des frontières en favorisant la participation de partenaires étrangers. Cette volonté des militants de participer ensemble et de favoriser la rencontre et la connaissance mutuelle est une constante de l’action pacifiste dont nous devons nous réjouir. C’est pourquoi des amis pacifistes anglais, américains, japonais, belges participent à ces JDN et nous pouvons les remercier de leur participation. Les organisations pacifistes ont toujours travaillé ensemble notamment dans le cadre de conférences internationales. Certaines ont construit des organisations internationales comme le BIP au début du siècle ou le CMP après la deuxième guerre mondiale.
En 1995 est né le souci d’être plus efficace dans la coordination de nos actions pour obtenir l’élimination des armes nucléaires. Pendant la conférence de révision et de prorogation du Traité de Non Prolifération nucléaire à New-York en avril 1995. Les organisations qui travaillaient ensemble ont donc décidé de créer un réseau international pour l’abolition de l’arme nucléaire : Abolition 2000. Ce réseau est parti d’une idée simple : celle que la non-prolifération était une chose mais qu’il fallait obtenir l’abolition et donc qu’il fallait coordonner nos actions pour obtenir l’interdiction des essais et un traité d’abolition.
Ce réseau a arraché in extremis au texte de prorogation du TNP l’engagement de la signature d’un CTBT, un traité sur les matières fissibles et l’engagement de zones dénucléarisées.
Abolition 2000 a été créé autour de onze engagements visant à renforcer l’action et l’information dans le monde. Vous trouverez ce texte dans le dernier numéro de « Combat pour la Paix » ou sur les sites pacifistes. Ce réseau s’est fortement développé depuis 1995 puisqu’il est parti de 40 organisations et qu’il en compte aujourd’hui plus de 2000. Il s’étend progressivement notamment aux collectivités locales.
Dans les mobilisations citoyennes à construire et à développer, il y a justement celui des collectivités locales..
Le nombre de communes, départements ou régions qui se déclare ville de Paix est en nette augmentation. Nous le devons à la ville d’Hiroshima qui déploie de gros efforts et aux relais nationaux.
Nous pouvons vous annoncer aujourd’hui que la ville de Lyon accueillera en 2004 l’exposition internationale du musée d’Hiroshima, une exposition qui a jusqu’à présent tourné dans une quinzaine de capitale. Lyon sera la première ville de France à l’accueillir, c’est un acquis des JDN.
Vous le voyez les possibilités d’intervention des citoyens sont diverses et immenses. Nous ne partons pas de rien. Ensemble nous avons déjà réalisé de grandes choses qui sont autant de points d’appui pour des mobilisations futures.
La promotion de la Culture de Paix nous amène à amplifier nos efforts de conviction et de mobilisation pour construire un autre monde, un monde débarrassé des guerres et des armes nucléaires.
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