De Trappes à Besançon : 60 ans d’Histoire du Mouvement de la Paix
D’un côté, Trappes, un comité de 150 adhérents créé en 1949 et de l’autre, Besançon, jeune comité de 20 adhérents créé en 2003. 400 kilomètres et près de 60 ans les séparent. Pourtant, d’hier à aujourd’hui, ce sont les mêmes convictions qui animent ces acteurs de paix au quotidien. Planète Paix s’est entretenu avec eux pour tenter de découvrir leur histoire et mieux cerner leurs similitudes mais aussi leurs spécificités.
Trappes
Elie Robin, Bernard Hugo, Maurice Perrin, Yolande et Alban Liechti m’accueillent chaleureusement dans le local du Mouvement de la Paix de Trappes.
Ils ne sont pas peu fiers de me montrer aussitôt les quelques panneaux accrochés aux murs qui exposent les initiatives récentes du comité. Trappes est un des comités les plus importants qui compte à ce jour pas loin de 150 adhérents. Mais les militants trappistes sont sceptiques et s’inquiètent, « il nous manque des plaçeurs de cartes ! » s’exclame Elie. Un petit comité pourrait y voir de la fausse modestie mais Trappes a tout simplement connu des jours meilleurs. Le Mouvement de la Paix à Trappes s’est créé en 1949 avec l’appel de Stockolm qui a suscité l’intérêt de 99% des Trappistes. Après s’être un peu reposé, une nouvelle équipe lui a donné un second souffle en 1980 mais aujourd’hui, elle se sent fatiguée. Certes la moyenne d’âge ne dévoile pas une jeunesse éclatante mais l’action pacifiste perdure et les initiatives ne manquent pas.
Dans le cadre de la décennie internationale pour la promotion d’une culture de paix et de la non violence, le comité a lancé un projet pédagogique « jeunes de Trappes, citoyens de paix » en relation avec les représentants de l’éducation nationale et la municipalité. Les lycées et les écoles ont répondu avec enthousiasme et ont accueilli le Mouvement au cours de conférences, de débats et d’ateliers. C’est ainsi que le comité a instauré le 21 septembre journée mondiale de la Paix, devenu une tradition pour les jeunes de Trappes. Plusieurs manifestations rythment cette journée depuis 2003 : lâcher de ballons avec des messages de Paix, plantation d’un olivier et récemment, exposition Hiroshima Nagasaki à l’hôtel de ville ouverte en présence du maire et de la déléguée partie au Japon.
En mai dernier, l’inauguration de la place de la Paix a animé la ville de Trappes. 450 enfants avaient préparé cette manifestation en réalisant des affiches suite à un concours lancé par le comité, en confectionnant des bannières, en écrivant des messages… Cet événement qui s’est terminé en musique par un concert a rencontré un vif succès et le rendez-vous est pris au printemps 2006 pour la pause d’une sculpture actuellement en phase de réalisation par des élèves d’un lycée technique.
Ainsi le comité travaille de près avec les établissements scolaires et organise parfois des voyages, au Mémorial de Caen en 2002 ou au village limousin d’Oradour marqué par la deuxième guerre mondiale. Le comité se lance aussi des défis, dernier en date : envoyer un délégué à Hiroshima et Nagasaki. C’est Sihame, élève de terminale au Lycée Henri Matisse qui est partie au Japon et qui a fait part de ses émotions auprès des médias locaux comme TV 78 et le journal de Saint Quentin en Yvelines : « ce qui m’a le plus marqué , déclare-t-elle à son retour, c’est l’accueil et la reconnaissance japonaise pour notre présence. Si chaque pays pouvait faire preuve d’autant de générosité ce ne serait même plus la peine de se battre pour la paix ».
Bien que les initiatives soient pour la plupart dirigées vers les jeunes, ceux-ci ne s’engagent pas. « Nous leur apportons des connaissances, une culture de paix mais malheureusement nous ne faisons pas naître en eux le militantisme » déclare Yolande. Le comité déplore par ailleurs la connotation du parti communiste du Mouvement de la Paix et le contexte social de la ville de Trappes qui ne favorisent pas l’engagement du jeune citoyen.
Le comité trappiste sera représenté au Congrès par cinq de ses adhérents. Ils espèrent pouvoir rencontrer des partenaires et des comités dans le même cas qu’eux, et partager leur expérience notamment auprès des jeunes car ils le répètent tous en cur « nous avons besoin d’un relais ! ». Alban semble même s’impatienter « si un jeune veut s’imposer, je lui laisse ma place sans problème ! ». L’appel est lancé : aux jeunes de se faire connaître, une place privilégiée leur est réservée !
Doubs
Patrice Salzenstein, jeune chercheur au CNRS s’est installé à Besançon en 2001. Aujourd’hui secrétaire du comité départemental, il nous raconte comment il a relancé l’activité locale du Mouvement de la Paix.
A l’autre bout du fil, Patrice énumère les initiatives de son comité à un rythme qui illustre l’hyper activité et l’ardeur de ce jeune homme de 35 ans, ” je fais 50 000 choses en même temps” avoue-t-il. Ironie du sort, il était auparavant adhérent au comité de Trappes et a participé au congrès de Vitry-sur-Seine. Lorsqu’il est arrivé dans le Doubs, il existait déjà un comité, celui de Valentigney conduit par Françoise Lignier qui représente, dit-il, “la mémoire du Mouvement”. Puis, il a rencontré Fatiha Tami qui faisait partie de la délégation à l’ONU en 2000 et qui mène de nombreux projets dans le cadre de ses études, notamment au Pérou et en Espagne. Ces trois militants sont devenus les piliers du Mouvement de la Paix du Doubs et depuis 2003, ils dynamisent le comité départemental qui, après avoir connu une forte activité, s’était un peu essoufflé.
Tout a donc recommencé en mars 2003 avec le Collectif contre la guerre en Irak et avec le rassemblement du Collectif pour la Paix au Proche-Orient qui réunit l’AFPS ( Association France Palestine Solidarité), AREV (Alternative Rouge et Verte), CGT, FSU, PCF, les Verts
Puis, un jour d’octobre, le comité s’est lancé et a monté sa propre initiative en animant un débat autour du thème “Droit des femmes et culture de paix dans un pays en voie de développement”. ” On a fait un véritable flop ! ” confie Patrice qui toutefois ne manque pas d’optimisme et souligne le point positif de cette expérience ” on a eu une nouvelle adhérente, la présidente du MRAP ! “. Les militants doubiens apportent leur contribution à divers événements : pour la solidarité des peuples contre les guerres et les occupations, contre le racisme et toute forme de discriminations, en soutien aux Algériens ou encore la signature du texte d’appel “vivre ensemble libres, égaux et solidaires”. Petit à petit, le mouvement est reconnu et en 2004, le CCPPO, association qui promeut la culture dans les cités, propose au comité de coordonner, dans le cadre d’un festival, une journée entière consacrée à la paix avec projection de films et débats auxquels il a invité, entre autres, le président de l’UNICEF en tant qu’intervenant.
Cette année, en collaboration avec Amnesty International et l’UNICEF, le comité a fait venir, dans les établissements scolaires, la troupe de théâtre sénégalaise Bou Saana qui présente Allah n’est pas obligé , pièce adaptée du roman d’Ahmadou Kourouma sur les enfants soldats. Motivés par cette expérience enrichissante, les militants réitéreront l’aventure en mars 2006 et animeront des débats autour du thème “construction de la paix, promotion de la culture de paix” au cours d’un cycle de conférences prévu dans un lycée.
Le comité a aussi pris partie de mener une campagne en faveur du « non » au projet de Traité constitutionnel européen. Cette attitude qui pourrait s’apparenter à un caprice d’enfant gâté a été mûrement réfléchie. Aucun militant du Doubs ne regrette ce choix, ” nous nous sommes sentis très efficaces ” déclare Patrice qui estime que ” lorsqu’on est convaincu, il faut se battre “.
Quant au congrès, Patrice avoue ne pas s’être encore organisé, il souhaite pourtant que le mouvement doubien soit représenté au Conseil national. Le comité qui ne compte pas énormément d’adhérents (une vingtaine de tout âge) se concentre avant tout sur son activité locale. Son objectif : élire une personnalité en tant que président et développer un réseau d’organisations dans le département afin d’agir plus efficacement et de répandre la culture de la Paix dans tous les domaines.
Céline Bévierre


